École Lacanienne de Psychanalyse


L'Unebévue N°29 : LACAN DEVANT SPINOZA CRÉATION / DISSOLUTION

L'unebévue 2012 / ISBN n°978-2-914596 / 22€.

 


LACAN DEVANT SPINOZA


Création/Dissolution


Il y avait une erreur quelque part. François Matheron


Louis Althusser et le « groupe Spinoza ». François Matheron


Derrière la reprise de la philosophie conçue comme tâche politique numéro un se dissimule sans doute une transformation beaucoup plus profonde de l’idée même de politique, immédiatement vécue comme impossible, et le « groupe Spinoza » est peut-être, avant tout, un groupe Machiavel dénié. Le « Spinoza » en question est un Spinoza machiavélisé. On le sait aujourd’hui : Althusser s’est profondément identifié, souterrainement, à Machiavel : lorsqu’il réfléchit sur lui-même, il y a toujours Machiavel en toile de fond, et lorsqu’il travaille sur Machiavel, il pense toujours en même temps à lui-même.


Le sujet du sacrifice : Lacan devant Spinoza. Gabriel Albiac


Nous avons fait le détour par Spinoza – écrivait Althusser – pour voir un peu plus clair dans le détour de Marx par Hegel. Lacan ne se trompait pas lorsqu’il voyait, en 1964, dans ce  rapport à Spinoza, le point d’accord avec ce renouveau du marxisme qui trouvait son noyau chez Althusser dans les années 1960. Il y a du malentendu là, peut-être. Il faudrait, toutefois, prendre le risque de jouer sur ce problème. Il fixe un point de non-retour dans l’histoire du marxisme, mais aussi dans la formulation définitive de la refondation lacanienne de Freud : le spinozisme comme lieu obligé d’une théorie matérialiste de la subjectivité.


Court billet. Jean-Paul Abribat


Si dans la philosophie, et éminemment celle de Spinoza, la psychanalyse a à reprendre son bien, elle ne peut le faire qu’en perdant la philosophie, et éminemment Spinoza, mais elle ne peut le faire que de traviol.


Deux « tourniquets » ou une Topique : Althusser comme missing link entre la philosophie, la psychanalyse et la politique. Yoshihiko Ichida


Examinons de près le rapport entre les trois composantes des « tourniquets » : le concept, le réel appelé événement ou lutte des classes, et le désir ; la philosophie, la politique et la psychanalyse. Le « tourniquet des concepts » est composé des deux premières, et celui « du désir », de la première et de la troisième. Notre intérêt est d’observer ce qui se passe entre les composantes avant qu’elles n’aient deux points nodaux, deux « tourniquets ». Il s’agit d’un rapport à trois termes, d’un système de trois « lieux », qui produit deux sortes de rapport à deux termes.


Fragments de la machine d’écriture d’Althusser. Les lettres à Franca. Marie-France Basquin


Malgré l'enchantement du style et la richesse des propos, force est de constater qu’un envahissement progressif oblige, à plusieurs reprises, à arrêter la lecture, à délaisser ce livre imposant de plus de 700 pages. À travers les mises au point récurrentes de Louis à l'occasion des rendez-vous avec Franca, rendez-vous prévus, rêvés, et parfois annulés par lui ou par elle, les lettres, insidieusement, créent peu à peu un enfer. Quelle machine à lettres s’est donc mise alors à fonctionner, entre eux, et pour le lecteur ? On pense évidemment à Kafka, et à la si belle étude de Deleuze et Guattari. S’agirait-il de la même sorte de machine littéraire ?


Le concept est-il l’apanage du philosophe ? Stéphane Nadaud


S’il est une question que pose le livre d’Attal, La non-excommunication de Jacques Lacan, c’est bien celle du concept. Pluriel plutôt que singulier : questions quant à sa construction, ses déplacements, ses transformations, ses dénominations. Sautant de Spinoza à Lacan (avec ou sans Spinoza), de Machiavel à Althusser (avec ou sans Machiavel), d’Althusser à Lacan et de Lacan à Althusser, le livre de José Attal invite à se demander, de l’Amor intellectualis Dei au désir de l’analyste, passant par le prince, si tout cela est encore, in ou out la philosophie, une question de concepts.


Un flagrant délit de légender. Mireille Lauze et Jean Rouaud


Pour Gilles Deleuze il y a le cinéma politique classique qui exalte la présence d’un peuple existant, et le cinéma politique moderne, celui de Pierre Perrault, qui «contribue à l’invention d’un peuple là où le maître a dit : pas de peuple ici ». Le cinéma de Perrault est exigeant : voir ce peuple qui manque, peuple mineur et invisible, exige un décentrement du regard car il est plus facile d’enfermer l’autre dans une identité culturelle représentée que de le saisir dans le mouvement d’un peuple à venir.


Une expérience palpitante. Yan Pélissier


Le 22 novembre 2011, Stéphane Nadaud était l’invité de Book-en-train à l’hôpital de jour pour adolescents de la rue Bayen, à Paris dans le 17e arrondissement, pour un débat autour de son livre Fragment(s) subjectif(s).


La guerre du soin n'aura pas lieu. Nunzio d’Annibale


J'ai donc écrit mon mémoire de Master 1 sur le déménagement du Centre de jour de Chatelet-Les-Halles, au 5 rue Saint-Denis dans le 1er arrondissement, sur une péniche dans le 12e. Un mémoire de psychologie clinique sur une question aussi futile, sur un déménagement, je peux vous dire que ça n'a pas plu à tout le monde.Vous avez dû lire un tas de petits articles plus idiots les uns que les autres, sur le sujet. Ce bateau fait un tabac. Ça enfume la Psychiatrie. Après n'avoir parlé que des schizophrènes meurtriers et des Unité pour Malades Difficiles, les voilà qui nous font le coup de la croisière s'amuse. Poor Adamant!


Lacan en crise. Fantaisie. Christian Simatos


La façon dont Lacan jouait de sa personne déconcertait. C’est cela qui produisait la question « que me veut-il ? ». Question que je pourrais formuler autrement : quelle est cette dette qu’il creuse en moi par un discours qui me parle sans s’adresser à moi et auquel je manque à savoir répondre ? Vous voyez que nous ne sommes pas loin du discours amoureux. Il va sans dire que je n’ai pas adopté cet éclairage sans un sérieux recul. J’en déduis, et mon interprétation se résume à cela, j’en déduis qu’on l’aura lâché par dépit, et je me permets d’imaginer que ceux qui l’ont lâché auraient renoncé aux avantages d’une reconnaissance par l’IPA s’ils n’avaient pas été pris dans cette dimension du dépit amoureux.


Documents sur l’histoire des rapports de la SFP et de Lacan, 1953/1967.


Compte rendu d’une réunion à Londres entre les représentants d’Edimbourg de la SFP et les membres londoniens de la Commission – 25 novembre 1962. Traduit par José Attal.


Stein chez Lacan, Lacan chez Stein : moments. Jean Allouch


Dans le débat qui les opposa, à moment donné, ce ne fut plus Stein mis en danger par Lacan, mais Lacan par Stein. Lacan dit alors : « L’Autre n’est en aucun cas un lieu de félicité. » Ou encore : « Ce n’est pas le paradis qui est perdu. C’est un certain objet. » Au regard du mysticisme, la seule position tenable, selon Lacan à ce moment-là, fut de ne rien vouloir en savoir. Et c’est donc le mysticisme qui fit ce jour-là point d’achoppement, de rupture. Disposant aujourd’hui d’un certain recul, on sait que Lacan n’a pas pu s’en tenir à ce radical rejet du mysticisme qu’il brandissait contre Stein. Le registre de l’amour chez Lacan, je crois l’avoir montré, est précisément celui-là : mystique.


Le point de retournement de Lacan. Création/Dissolution. José Attal


« C'est vous, par votre présence, qui faites que j'ai enseigné quelque chose ». Lacan n’a jamais varié là-dessus, non seulement il n’y a aucun gradus, mais les analysants sont une part active du public. Lacan parle à ceux qui sont en tension avec sa personne, tension produisant une configuration des limites, et qu’il appelle, selon l’usage de la physique quantique et de l’électrostatique : écrantage. Quand il sera mort, et « il est sûr que c’est l’avenir », comment se fera le réglage de la limite dans la configuration des résistances? Le séminaire Dissolution continue de résister, ce n’est guère étonnant puisque la dissolution, c’est l’acte analytique même. 


Jacques Lacan. Séminaire Dissolution, séances de novembre et décembre 1979. Notes de Mayette Viltard.


Les trois premières séances du séminaire Dissolution furent brèves, devant un public très clairsemé. La question soulevée était pourtant d’importance : en quoi est-il différent qu’un nœud borroméen se défasse ou se rompe ? On trouvera l’ensemble du séminaire, 1979-81, sur le site www.unebevue.org


L’intimité des diagrammes. Claude Mercier


Peirce retient surtout la dimension analogique du diagramme réduit à un rôle d’icône relationnel, alors que Jakobson affirme la dimension virtuelle de tout diagramme, le devenir. En tordant Peirce et en détournant Hjelmslev, Deleuze et Guattari font du diagramme la déterritorialisation absolue, lui donnant toute sa puissance de virtualité. Diagramme et dispositif, le débat entre Deleuze et Foucault, en particulier à propos de Surveiller et punir, doit être étudié, ce qui donne un éclairage inattendu sur la fonction diagrammatique des entretiens que Foucault donnait, en France ou à l’étranger.


Un rêve mathématique. Colette Piquet


Ce rêve, je l’ai rêvé après avoir lu la veille l’article enchanteur de Gilles Châtelet, « L’enchantement du virtuel ». J’ai rencontré Gilles Châtelet et son enchantement du virtuel un jour où je me demandais quel statut donner aux fantômes du Tour d’écrou de Henry James. Je me suis sentie dans une telle proximité avec les mots, les phrases de Gilles Châtelet que je me suis laissée avaler par lui ou que je l’ai avalé, le temps d’un rêve. Tant je l’ai aimé qu’en lui encore je vis, pourrais-je dramatiquement écrire avec Wittig.


« J’espère que non ! » La dénégation de Royaumont. Jean-Claude Dumoncel


En 1958, à Royaumont, eut lieu un colloque publié sous le titre La philosophie analytique, avec un Avant-Propos de Leslie Beck dans lequel Beck affirmait qu’entre philosophie analytique et philosophie continentale « plusieurs oppositions se montrèrent irréductibles ». Pour les illustrer, il donnait entre autres cette version de la confrontation entre Ryle et Merleau-Ponty : quand Merleau-Ponty demanda : « notre programme n’est-il pas le même ? », la réponse ferme et nette fut : « J’espère que non ».


Approche de la notion d’autopoïèse chez Félix Guattari. Quelle capacité certains systèmes ont-ils de reconstituer en permanence leur structure ? Françoise Jandrot


Guattari écrivait, à propos du livre de Pierre Lévy : « L’ère machinique qui s’ouvre devant nous n’est donc pas nécessairement corrélative de maléfice et de catastrophe ! Tout dépend ici des options éthico-politiques des agencements collectifs d’énonciation qui prendront en charge cette « mécanosphère ». Une des directions prometteuses de ce travail serait sa jonction – toujours les interfaces ! – avec la réflexion de Francisco Varela sur l’autopoïèse, à savoir la capacité des certains systèmes de reconstituer en permanence leur structure ».


La prison de Lascaux et la grotte du temps logique. Xavier Leconte


Le titre se présente comme un lapsus ; il y a une inversion qu’on voudrait corriger : la grotte de Lascaux et la prison du temps logique ! Sous sa forme inversée, il répond cependant assez bien à ce dont il va être question. Des choses se sont passées entre la grotte de Lascaux et la prison du temps logique, des effets de contamination, d’altération de l’une par l’autre, de la prison par la grotte et réciproquement, des effets qui justifient plutôt ce désordre, cette anomalie liminaires.


 

L'Unebévue N°30 : AUJOURD'HUI, DIEU C'EST NOUS.

L'unebévue 2012 / ISBN n°978-2-914596-38-1 / 256 p. / 22€.

- MTB. Adolpho Bergerot. p. 9
… non, je mens, c’est bien en 2011 que je pus confirmer que Lacan était mon grand-père et que tout a commencé. Enfin, tout, c’est un peu trop. Quand je dis tout, je veux dire que c’est à ce moment-là que je découvris que ma grand-mère paternelle – que je n’ai jamais connue – fut la première maîtresse de Lacan, et que l’enfant qu’ils eurent, caché, jusque-là secret, était mon père. Ce que j’entrepris alors fut une reconstitution.

- Parceque mon père a toujours dit... Sherman Alexie, traduit par Nicolas Plachinski. p. 23
Ton père a toujours été à moitié fou, me dit ma mère plus d’une fois. Et l’autre moitié prenait un traitement...

- La question de l'être et la valeur de la vie. Anne-Marie Ringenbach. p. 31
La formule avancée par Guattari, « Aujourd’hui, Dieu c’est nous », vient pointer notre responsabilité actuelle dans la question de l’Être. Guattari avance cette formule avec ses concepts, ceux formés avec Gilles Deleuze, de déterritorialisation, de circuits rhizomatiques, d’énonciation collective, qui lui donnent son assise et écartent tout contresens quant à l’interprétation à donner à cette place prise à Dieu par les hommes. « Aujourd’hui, Dieu c’est nous » s’entend bien sûr à l’aune de la question de la mort de Dieu et la position centrale de cet énoncé dans la philosophie de Nietzsche.

- Workshop sur l'entretien de Félix Guattari à la télévision grecque. Transcription établie par Mayette Viltard. p. 53

En vue du workshop du 10 mars 2012, au bar-forum de l’Entrepôt, à Paris, j’ai envoyé les vidéos de l’entretien de Félix Guattari avec G. Vestlos, de 1991, diffusé en 1992, disponibles sur youtube, à tous ceux qui fréquentent habituellement Place Publique. J’ai reçu beaucoup de mails témoignant de la difficulté de certains, intéressés par ses travaux, à véritablement entrer dans ses écrits. La matinée a été consacrée au débat, et l’après-midi, des échanges très animés se sont entremêlés avec la diffusion des images et la présence de Félix Guattari à l’écran.

- Notes pour le workshop sur l'entretien avec Guattari. Anne-Marie Vanhove. p. 109

Examinons de près le rapport entre les trois composantes des « tourniquets » : le concept, le réel appelé événement ou lutte des classes, et le désir ; la philosophie, la politique et la psychanalyse. Le « tourniquet des concepts » est composé des deux premières, et celui « du désir », de la première et de la troisième. Notre intérêt est d’observer ce qui se passe entre les composantes avant qu’elles n’aient deux points nodaux, deux « tourniquets ». Il s’agit d’un rapport à trois termes, d’un système de trois « lieux », qui produit deux sortes de rapport à deux termes.
- Elles sont fragiles, les relations ! Xavier Leconte. p. 117
Quelques mots à propos de ce que Deleuze qualifie de coup de tonnerre dans la philosophie : les relations sont par nature extérieures à leurs termes, et de ce qu’il dit dans son cours de décembre 1982 : « Tapez pas sur les relations, c’est du fragile. Tapez tant que vous voudrez sur les attributs, c’est du solide ! Mais les relations, oh là là !… ».

- Dieu à l'étable. Nunzio d'Annibale. p. 121
Il y a un texte d'Artaud, Les mères à l'étable. On est en 1946. Artaud note que ce texte est un rêve.
- Une esthétique immanente, une esthétique de l'existence. Françoise Jandrot. p. 125
C’est dans Différence et Répétition que René Schérer trouve les arguments critiques qui démontent l’interprétation de l’Éternel retour, de Nietzsche, par Heidegger. La position de Deleuze, souligne Schérer, rompt avec ce que serait une nouvelle lecture « nietzschéenne » de Heidegger pour passer à de nouveaux repères et à un autre ordre d’affirmation.
- Bonhomme de vent. Marie Jardin. p. 141
Au dos du DVD de Sima Khatami, Boris Charmatz a écrit : « Il y a une littérature qui est encore de la danse, et dans le cas de Hijikata, celle-ci n’est pas seulement méconnue, elle est inouïe, elle n’existait pas encore. Nous sommes soudain face à un trésor qui déchire les représentations ».
- Littéralité : diagramme et analogie esthétique. Claude Mercier. p. 147
Annonçant les thèmes de sédentaire et de nomade, Deleuze va les lier respectivement à la représentation (l’analogie) et à l’univocité. La représentation implique l’analogie de l’être alors que l’univocité de l’être et la différence individuante sont hors représentation. Univocité, nomadisme, actuel/virtuel, et jugement, feront toujours partie des analyses de Deleuze, seul ou en compagnie de Guattari. Les deux figures de l’analogie (de proportion et de proportionnalité) ne conviennent pas à cette écriture à même le réel – à la lettre – ni analogie ni métaphore. On est comme prisonnier du quadruple carcan de la représentation. La problématisation porte sur une possible sortie de la similitude productrice de ressemblance.
- Trans/vers/alice aux pays des esquizos. Alicia Guerrera Diaz. p. 187
La création, par opposition à l'oeuvre finie, projette, du sujet, quelque chose qui est à décrypter, un pré-antérieur au transfert possible. Nous n’avions pas idée de l’ampleur que cela allait prendre dans un atelier avec les esquizos et débiles mentaux.
- Quand Michel Foucault invitait les psychanalystes à jouer. Michèle Duffau. p. 193
Dans le laboratoire comportementaliste mondial, l’autisme faisait office de dernier résistant, mais une fois renommé et reclassé, il peut – enfin – être disponible pour les opérations de la Grande Équivalence, de l’Homogénéisation, qui ne produisent de la différence que pour la digérer et transformer en Prestations les grands problèmes de l’existence. Par on ne sait quelle impuissance à penser ce qui se passe, ou peutêtre en raison d’un passif qu’il s’agirait de lever, il faut bien constater que Michel Foucault manque cruellement dans le débat !
- Tissage. Jocelyne Lagand. p. 201
Passage Verdeau, dans un cabinet de curiosités devant lequel je passais depuis des années, était exposée une créature osseuse et molle, cousue ou infibulée, qui m’avait piquée dans la chair.
- Collures : du cinéma expérimental à l'anthropologie. Barbara Glowczewski. p. 203
Félix Guattari n’avait pas imaginé à quel point l’image – art, installation ou cinéma – et la critique de sa représentation ethnocentrique feraient l’objet d’une réappropriation par les peuples colonisés, subalternisés et d’autres résistants au Capitalisme mondial intégré, mais il avait eu l’intuition et l’espoir de ce potentiel de créativité au début des années « d’hiver », espoir revenu à la veille de sa mort lorsqu’avec ses propres mots – mais aussi ses yeux –, il dit être sorti d’une dépression.
- L'art comme transport-station du trauma. Bracha L. Ettinger traduction Dimitra Douskos. p. 215
Je propose d’ajouter l’idée de non-vie et les idées de décalantbord, reliantbord, et espaçantbord féminins au coeur de la pensée au sujet du moment créatif et de son « âme », au moyen d’un type différent de femme-Autremère-archaïque-Chose. Ceci signifierait, pour paraphraser l’expression de Lacan, une vie qui pourrait être vécue ou pensée, depuis la place de cette limite où la vie est encore à venir, où elle est déjà sur l’autre rive, mais d’où elle est vue et vécue dans la forme de quelque chose qui n’est pas encore ici en temps ou en place.

- Dessin, peinture, carnet. Bracha L. Ettinger. p. 234

- Du transfert au paradigme esthétique : Conversation avec Félix Guattari. Bracha L. Ettinger. p. 247
En 1989, j’ai interviewé plusieurs amis psychanalystes au sujet de l’état de la psychanalyse en France « après Lacan », et entre autres, Félix. Ce qui m’intéressait particulièrement était d’apprendre quelque chose sur les résidus du transfert qu’ils avaient effectué sur Lacan à partir de la scène parisienne, lieu tellement spécifique, tellement extraordinaire, avec ce qui m’apparaissait alors comme une espèce particulière de susceptibilité et même de violence plus ou moins contenue.

L'Unebévue N°28 : LES BATEAUX NOIRS DU GENRE

L'unebévue 2011 / ISBN n°978-2-914596 / 272 p. / 22€.
Comité nomade : Ninette Succab-Glissant, Xavier Leconte, Anne-Marie Vanhove.

Cahier de l'unebévue en supplément gratuit pour les abonnés : Richard Wagner metteur en scène Herbert Graf

Sommaire

9- Penser le monde entier aujourd'hui comme somptueusement illégitime. En hommage à Édouard Glissant

http://www.unebevue.org/unebeweb/28/hommage

11- Un Carlyle représente le sujet pour un autre Melville Copyleft. Xavier Leconte

Le moment où un jeune homme s'enrôle sur un bateau noir est aussi fatidique que l'instant où une moniale épouse le Christ. Comme la jeune fille au Carmel, le pirate se voue à l'absence. En prenant librement de la testostérone, Beatriz Preciado se proclame « pirate de genre », elle n'en passera pas par les fourches caudines d'un protocole, elle sera un usager copyleft. Faut-il suivre Lacan, qui déclare que le Sartor Resartus, de Carlyle, est l'annonce de ce qu'avec Marx et Freud, le sujet va subir ? Melville, dans Moby Dick, guerroie contre l'idéalisme et maugrée : « Ferme ta bouche, vieux Carlyle, toi et ton Goethe ! » Serions-nous devenus les poissonstenus du capitalisme pharmacopornographique, de drôles de poissons, ni corps vivants, ni corps morts, mais connecteurs présents ou absents, actuels ou virtuels ?


31- Akoma, traversée de mots parmi les arbres. Franz Succab


... Par-dessus tout cela, il y avait la langue ancestrale et le nombre inimaginable de choses et de gestes qu'elle pouvait déjà kriyé. Si bien que parler avec les parents cette autre langue obligatoire à l'école, impliquait de taire la nôtre de l'intérieur. Pire encore lorsqu'il a fallu passer à l'écrit. Quand on change de langue ou quand on passe de la bouche à la plume, on émigre d'un lieu à l'autre, d'un univers à l'autre. On mue. C'est ainsi que je suis parti, avec quelques autres, en me prémunissant contre toute nostalgie, qui-veut-dire, tout retour en enfance. Et ma langue, réputée babillarde, voire primitive, devint nomade.

39- Message d'une fille de rédacteur sportif : les espèces compagnes. Donna Haraway -Traduction Denis Petit


Les camarades accompagnant mon père – les nouages constitutifs d'espèces compagnes qui retiennent mon attention – ne sont ni moi ni aucun autre organisme, mais une paire de béquilles et deux fauteuils roulants. Ils furent ses partenaires dans le jeu pour mener sa vie. Il vivait en relation avec sa propre présence physique d'une façon qui n'a jamais considéré une seule minute que le déni ou l'immobilité – c'est-à-dire une vie hors du corps – soit une option viable. Le mode de vie viable, c'était la relation d'espèces compagnes.


57- Créoliser un fantasme de soumission. Isaac Julien, un artiste postcolonial. Ninette Succab-Glissant

http://www.unebevue.org/unebeweb/28/isaac-julien-un-artiste-postcolonial

« Je joue avec la surface de la scène pour qu'elle forme une relation importante entre la scène gay contemporaine et l'histoire ancienne » dit Isaac Julien. Sur fond d'un tableau de Briard, La traite des nègres, il crée des tableaux vivants qui présentent d'autres formes de sexualité de l'homme noir et articulent une tension entre les affirmations historiques ethniques et un discours qui veut dénier ces énoncés. Il nous amène à reconnaître que l'expérience coloniale a affecté la constitution sociale et psychique des deux parts. Il permet la fabrication d'une sorte de mémoire imaginaire où l'identité gay croise sans contestation un espace intermédiaire politiquement et psychologiquement fragmenté. En cela, son film, The attendant, parle à la fois à la diaspora africaine et au monde occidental.


73- Basquiat/Warhol, une rencontre queer. Anne-Marie Vanhove

http://www.unebevue.org/unebeweb/28/basquiatwarhol

C'est l'histoire de la rencontre entre deux artistes majeurs, héros queer des années quatre-vingts, l'un, enfant noir des classes moyennes, de père haïtien et de mère portoricaine, vivant à Brooklyn, l'autre, enfant blanc timide et un peu chochotte, devenu une reine fabuleuse de la lascivité et la pornographie, l'un soumis au racisme, l'autre à l'homophobie. José Esteban Muñoz, professeur assistant de Performance Studies à l'école Tish d'art de l'Université de New York fait de la rencontre Jean-Michel Basquiat/Andy Warhol un exemple de rencontre queer qui lui semble illustrer ce qu'il appelle la « désidentification ».


95- Colère. Françoise Vergès


Tu t'es toujours promis d'éviter une colère aveugle. Tu as toujours voulu que la colère nourrisse la pensée, que ta colère soit à la hauteur de la pensée. Colère devant la violence du monde, devant la morgue et l'arrogance des puissants, devant leur soif de posséder, leur avidité, leur mépris. Tu te souviens que tu as remarqué dès ta petite enfance des marques de cette morgue, de ce mépris. Tu as grandi dans une de ces anciennes colonies, devenues département français en 1946. La misère était là sous tes yeux.


99- RER, dernière station. Claudine Davril


20 heures, le RER arrive à la dernière station. Je me lève et regarde derrière moi. Surprise : nous ne sommes plus que deux dans le wagon. Une jeune femme brune aux cheveux longs est déjà debout près de la porte, le visage tendu. Il faut sortir de mes rêveries et changer de rythme... Le passage est en partie obstrué. Quelques jndcit sont grimpés sur les portillons et envahissent l'accès vers la sortie.


103- Poèmes. Kpêdétin Ahouansou

http://www.unebevue.org/unebeweb/28/me-skin

Je. Ne suis pas folle


111- Les peintres "Saint Soleil" d'Haïti. Dany Ducosson

http://www.unebevue.org/unebeweb/28/saint-soleil

Le mouvement des peintres Saint Soleil est tout à fait singulier dans l'histoire de la peinture haïtienne. Il résulte d'un projet d'un artiste haïtien Jean-Claude Garoute dit « Tiga », décédé en 2006, qui voulait créer une communauté artistique qui serait en quelque sorte une production collective de résistance des pauvres, du peuple. J'ai eu, grâce à une amie peintre, Odile Latortue, la possibilité en 1997 de le rencontrer ainsi que quelques-uns des peintres : Dieuseul Paul, Louisiane Saint-Fleurant, Saint-Jean, Denis Smith.


123- N'y va pas sans la rage. De Dylan Thomas à Sherman Alexie. Traduction Nicolas Plachinski


Le poème du gallois DylanThomas vient subvertir le récit de Sherman Alexie, tout comme la femme indienne subvertit les sex toys américains. Rage, rage against the dying of the light. Les enfants du peuple indien n'accepteront pas sans rage la mort de la lumière.


131- Passer les plombs. Anne Marie Ringenbach

http://www.unebevue.org/unebeweb/28/passer-les-plombs

Rencontrer Lena Goarnisson met en demeure de nous confronter à notre propre version du deuil. Aux antipodes du compassionnel et du lacrymal, elle a développé, depuis 1997, une démarche de production artistique directe avec les personnes qui accueillent son projet Memento Mori. Il s'énonce comme point de départ d'une réflexion collective, à partir d'un objet qu'elle fabrique, un plomb, en échange du récit d'un événement dramatique ayant entraîné la mort d'une ou plusieurs personnes. Les plombs voyagent avec leurs porteurs, ce qui assure une circulation des morts parmi les vivants. Les morts acquièrent une certaine forme de nomadisme, traversant famille, pays, toutes catégories qui soutiennent mais aussi séparent les vivants entre eux.


149- Pléthore de morts-vivants. Rosine Liénard


« Zombie » : drôle de mot, né dans une île, Haïti, et issu d'un double drame, l'esclavage, et la traite des Noirs africains. Les zombies, depuis, ont couru le monde. On les croyait cantonnés à la culture populaire, aux films, aux comics books ou aux jeux vidéos, mais voilà qu'ils s'attaquent à la recherche, infectent le champ universitaire, parasitent les nouvelles technologies. Serions-nous devant un des mythes de notre monde moderne ?


178- Ceci n'est pas une sculpture. Mireille Lauze

http://www.unebevue.org/unebeweb/28/ceci-nest-pas-une-sculpture

Plus loin, de derrière les pins, une chose apparaît et fait signe, masse noire retenant un éclat de lumière. Une non-sculpture, bloc de matière indéfinie tourmentée de quelles forces... Nous saurons plus tard : elle est un fragment d'avion explosé en plein vol en 1963. Tout se mêle... minéral, humain, végétal... Chairs brûlées d'hommes, bois d'arbres calcinés, métaux en fusion.


183- La couleur comme caravansérail philosophique. Les fondements de la phénoménologie & l'inventaire de Romano. Jean-Claude Dumoncel


Cet article est un compte rendu rigoureux de l'ouvrage de Claude Romano, Au coeur de la raison, la Phénoménologie dont le chapitre VIII est un véritable Compendium de la Couleur considérée d'un point de vue philosophique. Ce chapitre roule essentiellement sur trois types de propositions qui sont respectivement illustrés par les trois exemples suivants : (a) La couleur est étendue. (b) Une même surface ne peut être entièrement bleue et jaune. (c) Entre le rouge et le jaune il y a l'orangé. La proposition (a) est à comprendre selon la thèse de Berkeley quand il énonce en passant, comme allant de soi, que la couleur ne peut exister sans étendue.
La proposition (b) offre un exemple de la pierre d'achoppement à laquelle s'est heurté selon Wittgenstein l'atomisme logique exposé dans son Tractatus logico-philosophicus. La proposition (c) offre un paradigme de la Grammaire ou Géométrie des couleurs développée par le second Wittgenstein, paradigme de sa Grammaire Philosophique.

L'Unebévue N°27 : L'OBJET-MACHINE

L'unebévue 2010 / ISBN n°978-2-914596 / 272 p. / 22€.

Sommaire N° 27

L'OBJET-MACHINE


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Sommaire

  9- Les langages du secret ou "La Scène de Quelque Chose". Jean Pavans

http://www.unebevue.org/unebeweb/unebeweb27/langages-du-secret-henry-james

Traducteur d’Henry James, et auteur des Heures jamesiennes, notamment, Jean Pavans a écrit ce texte à l’occasion d’une conférence faite à Paris le 9 janvier 2010, dont le prétexte était de commenter le système et l’énigme, ce que Henry James, sans la clarifier, a nommé la « plaisanterie cohérente », de La Source sacrée.

 

25- Émaillage. Colette Piquet et Jean Pavans

Un échange d’emails entre Jean Pavans et Colette Piquet, autour d’Henry James, Jean Sargent, Adeline Tintner, Boston, Venise, Paris, et… le cauchemar de la Galerie d’Apollon.

 

 

55- Attitudes envers la sexualité dans le texte et le sous-texte jamesiens. Adeline R. Tintner

Traduction de Colette Piquet et Brooke Maddux

L’auteur considère deux fictions de James qui ont toujours fait problème aux lecteurs et sont restées des énigmes depuis leur publication, Le motif dans le tapis et La source sacrée. Sa conclusion dans les deux cas est que James a construit un système complet de références à la sexualité.

 

 

89- Souvenirs d'Adeline Tintner. Jean Pavans

« … À Ann Arbor, je flâne dans les boutiques de Rare & Out-of-Print Books. Je cherche naturellement des raretés jamesiennes, épuisées ou non. Le bouquiniste, avec qui je bavarde agréablement, sort de ses rayons, pour me le tendre, un ouvrage qui, dit-il, devrait m’intéresser, car, ajoute-t-il, l’auteur a un point de vue nouveau et original sur James… »

 

95- Psychanalyse et spiritualité : le miroir-sorcière de la sophistique. Annie Guillon Lévy

Le psychanalyste, c'est la présence du sophiste à notre époque, mais avec un autre statut…

 

117- « On se serait rencontrés » - L’Anti-Œdipe, un agencement collectif d’énonciation ? Stéphane Nadaud

Qu'est-ce que ça veut dire publier des archives ? Ça ne veut rien dire... C'est intéressant de voir la politique testamentaire d’un Guattari par rapport à celle d'un Deleuze, un Guattari qui permet à quelqu'un comme ça qui vient, de prendre des textes et de réagencer. Pourquoi ? Eh bien pour essayer ! C'est vraiment la tentative d’essayer de saisir ce concept d'agencement collectif d'énonciation.

 

157- Une lettre. Josefina Guerra Diaz

Quand une stagiaire de La Borde repart au Mexique…

 

159- À propos du livre de Barbara Glowczewski et Lex Wotton : Guerriers pour la paix La condition politique des Aborigènes vue de Palm Island. Marie Salaün

http://www.unebevue.org/unebeweb/unebeweb27/palm-island-glowczewski

À propos du livre de Barbara Glowczewski et Lex Wotton Guerriers pour la paix – La condition politique des Aborigènes vue de Palm Island Ceux-là même qui sont prompts à « déconstruire » les arguments autochtones et partant, ceux des anthropologues qui les soutiennent, semblent négliger un point essentiel : l'engagement des anthropologues n'est pas la cerise politique sur le gâteau scientifique, mais bien la condition sine qua non du travail anthropologique avec dans de telles situations.

 

165- Qu’est-ce qu’un appareil ? Le cinéma, un art du XXIe siècle. Jean-Louis Déotte

http://www.unebevue.org/unebeweb/unebeweb27/appareil-deotte

Walter Benjamin est un anti-heideggerien au sens où il fait de la technique ce qui parachève la nature, ce qui vient innerver le corps. Et pour parler des multiples appareillages techniques de l’humanité aujourd’hui, il utilise le terme Apparat. Pour lui, non seulement le cinéma est la technique supérieure qui fait la synthèse de toutes les techniques déjà existantes, mais cette technique peut nous préparer aux techniques à venir.

 

195- Croire au pouvoir du secret. Françoise Jandrot

http://www.unebevue.org/unebeweb/unebeweb27/pouvoir-du-secret-guibert

Avec sa mise en écriture photographique du quotidien, Hervé Guibert plonge le lecteur dans des coordonnées instables, sa machine artistique greffe des particules de fiction, et il n’exclut pas s’être complètement trompé dans sa reconstitution des phrases, le lecteur aura toujours la possibilité de composer un autre livre à partir du matériel fourni, il lui livre d’imaginaires ciseaux.

 

211- Anna/Dorothy. Xavier Leconte

http://www.unebevue.org/unebeweb/unebeweb2/anna-freud-dorothy-allison

C’est à Lynda Hart que nous devons l’idée, a priori étrange, de réunir Anna Freud et Dorothy Allison, dans son livre La performance sadomasochiste, entre corps et chair. Le couple Anna/Dorothy aura ici le mérite de poser en creux une question : mais d’où sortent donc les fantasmes d’Anna ?

 

 

227- Rituels Privés. Dorothy Allison

Traduction de Xavier Leconte

« …C'était donc bien vrai. Chacun de nous cachait la même chose derrière ses yeux. Je suis allée chercher ma chaîne et l’ai fermée autour de mes hanches, j’ai pris la canne à la tête noueuse de mon oncle, et j’ai couru dans la chaleur épaisse de l'été… »

 

241- Pal Anna. Marie-Magdeleine Lessana

Quand je finissais mes études, je me suis décidée à commencer une analyse. Pour trouver un psychanalyste je me suis adressée aux auteurs du Vocabulaire de la Psychanalyse. Drôle d’idée de se tourner vers le Vocabulaire !

 

 

247- Tracey Emin : une esthétique du Bad Sex comme effet d’intimité. Anne Marie Ringenbach

http://www.unebevue.org/unebeweb/unebeweb27/tracey-emin-esthetique-bad-sex

Tracey Emin est par excellence l’artiste qui explore le côté négatif du sexe, et les effets d’intimité produits par son œuvre viennent du fait que du sujet est massivement injecté dans l’objet, ce qui impulse dans la visibilité de l’œuvre comme objet érotique un engagement du public.


L'unebévue n°26 : RHIZOME, CARTE, NOEUD BO

L'unebévue 2009 / ISBN n°2-914596-27- / 22€.

Sommaire N° 26

RHIZOME, CARTE, NOEUD BO

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Rhizome et créolisation, une poétique
Rencontre avec Edouard Glissant

Il y a eu un petit livre, Rhizome, qui a précédé Mille Plateaux, et qui ensuite s’est intégré dans Mille Plateaux. Cette notion de rhizome avait eu une particularité, une singularité à l’intérieur même du développement et des errances de Guattari. Pour moi c’était une notion, ou une image, ou… une machine, qui illustrait bien les drames et les ouvertures des identités. J’ai été tout de suite sensible à la notion que l’identité-racine-unique est une identité qui tue autour d’elle. Bon, c’était la carotte de ma pensée sur ce plan… et que le rhizome, au contraire, était fait de racines qui s’entre-aidaient et qui se relayaient. Il y avait aussi le cas des épiphytes qui me concernait beaucoup parce que tous les arbres et toutes les forêts de la Caraïbe sont recouverts de ces épiphytes. Nous appelons ça des lianes, et qui ne tuent pas l’arbre mais qui le renforcent. Par conséquent, cette notion de rhizome, du point de vue identitaire, était précieuse, d’autant plus que, quand on disait l’errance de l’identité, les gens pensaient l’absence de l’identité. Il était important de faire savoir que l’errance de l’identité n’est pas une absence de l’identité. Le rhizome n’est pas une absence des racines, c’est une racine d’un genre particulier. Une racine entre-aidante.


Freud année zéro
Mayette Viltard
Qu’est-ce qui fait obstacle, aujourd’hui, à la lecture du débat qui est venu contester la psychanalyse, en particulier lacanienne, à partir des années soixante-dix ? Depuis quelques temps, les psychanalystes ont ouvert le dossier Foucault, mais l’ouverture du dossier Deleuze&Guattari tarde un peu bien que leur axe de préoccupation pendant plus de vingt années ait été de questionner ce qui fait que ni la psychanalyse, ni le siècle, n’entendent le schizo. Il ne s’agit pas de faire du D&G-lacanisme, mais d’établir comment, à partir de certains points communs, comme les textes de Freud, la logique stoïcienne, un certain rapport au structuralisme linguistique, à la logique de Peirce, il y a eu, entre les élaborations de D&G et celles de Lacan, des appuis et des rejets, et un traitement de plus en plus différent de la pragmatique des corps, Lacan, à partir du nœud bo et de ses cordes (corps-de) a utilisé un discours de plus en plus exsangue, et D&G une écriture de plus en plus proliférante et rhizomatique de montages de séquences de cas, propositions et théorèmes.


Les bijoux de famille
Catherine Lord
Traduction Denis Petit
Papa avait le sous-sol, Maman avait la cuisine, Grand-mère avait la plus belle chambre, mon petit frère avait le grenier, ma sœur avait les chambres des domestiques abandonnées, et moi, enfant des tropiques enclavée au milieu d’un grand continent, je prenais la salle de bain du fond, celle avec le tub. Je noyais autant que je pouvais mon adolescence dans ce tub, lisant et fumant les Kent piquées dans l’armoire de ma grand-mère. Pendant des années, ce tub fut ce que je pus trouver de plus proche de la mer si bleue des îles que j’avais laissées derrière moi.


Anguilles freudiennes. Savourer la vérité électriquement visqueuse de l’Être
Xavier Leconte
Conversation entre Guillaume Dustan et Beatriz Preciado : ils discutent de Règles pour le parc humain de Sloterdijk. Si l’explosion des deux premières bombes atomiques à Hiroshima et à Nagasaki, en 1945, marque le début d’une Apocalypse géopolitique, l’apparition de Dolly, la première brebis clonée, marque le début d’une Apocalypse biologique. Contrairement à Heidegger, Sloterdijk propose de s’interroger sur la « capacité humaine d’apocalypse ». Mais saurons-nous maintenant « savourer la vérité électriquement visqueuse de l’être, par petits coups de langue » ?  C’est le jeune Freud lui-même, étudiant en zoologie, « les mains tachées du sang blanc et rouge des animaux marins », entendons du sang des anguilles qu’il passe des journées entières à disséquer, c’est ce jeune homme en pleine floraison gonadique qui va nous conduire.


Météorologie de l’intérieur d’un anti-Robbe-Grillet
José Attal
Comment est né le dernier livre dont Robbe-Grillet  dit que c’est un « anti Robbe-Grillet », sortes de récits masturbatoires accumulés depuis les années quarante en parallèle à son œuvre ?
Il avait renoncé à les publier, mais voilà qu’il reçoit la visite d’un jeune architecte, Philippe Rahm, qui lui soumet le projet de la construction d’une maison virtuelle. L’idée était de partir d’une pièce nue avec des capteurs qui enregistrent les variations d’humidité, d’éclairage et de température. Sur ce principe, Robbe-Grillet entreprend l’écriture d’un texte évolutif qui commence par le Rien, puis les modifications de températures produisent des effets d’images. C’est ce texte qui est le début du livre. « Il y a au départ un simple espace, vide, où un type immobile sur un lit, peut-être paralysé, imagine une maison avec des personnages, des passions… ».
Un roman sentimental subvertit les idées actuelles sur la politique, la mondialisation, les lois du marché, la pédagogie, la psychanalyse, et fait émerger une sorte d’impensé, l’inceste père/fille en position de paradigme de l’éducation, telle une initiation fondatrice pour une enfant définitivement non dupe et radicalement avertie.


Sex in motel rooms Du sexe dans des chambres d’hôtel
Sherman Alexie
Traduction Nicolas Plachinski
Parce que j'ai besoin de musique/Je colle mon oreille contre le mur
et j'écoute les amants/dans la chambre d'à côté.


Le body art ou l’érotisation d’une nouvelle scène pour l’art
Anne-Marie Ringenbach
Il s’est produit un déplacement graduel mais cependant spectaculaire lors de cette deuxième moitié du siècle dernier en ce qui concerne l’articulation propre du sujet dans le domaine social. Pour Amelia Jones, qui prend acte de ce déplacement dans la conception et l’expérience de la subjectivité, les pratiques de body art exemplifient, entre autres, ce profond déplacement. Dans son livre Body art, performer le sujet elle se situe « dans » le terrain théorique du postmodernisme pour tracer non pas une histoire du body art mais pour s’engager, de façon encorporée, dans l’étude des pratiques particulières qui ont radicalement re-négocié les structures d’interprétation qui informent notre compréhension de la culture visuelle. Elle soutient que la performativité mise en jeu dans le body art n’a pas été simplement adoptée dans les années soixante par une génération de jeunes artistes, mais qu’elle était déjà une part du modernisme. Elle prend le fil du « performatif paradoxal » que l’historien Thierry de Duve a distingué comme constitutif du postmodernisme pour proposer des interprétations se donnant elles-mêmes comme performances, comme engagements, sur ce que le body art signifie dans la culture contemporaine. Pour ce faire, elle affiche sa position stratégique, tournée vers le body art et un postmodernisme phénoménologiquement infléchi féministe. Chacun de ces termes est rigoureusement posé.


Anafranyl Story
Anna Cosme
Avec l’arme qu’est l’Anafranyl, n’importe quel vétérinaire du cerveau achèverait un éléphant. Par comparaison avec une telle bête, mes chances de survie étaient bien minces…


L’instant donné
Marie-Magdeleine Lessana
Ceux qui prétendent se reconnaître dans les livres, les films, les expos, ceux qui les reçoivent comme d’horribles albums de famille, ils n’ont rien compris, parce que l’événement arrive dans le livre et celui de la réalité n’existe plus, il est détruit, c’est ça le miracle de l’art. Réflexe autobiographique peut-être mais pas autobiographie, certainement pas. L’art, même contemporain, n’est pas document. Le document est autre chose. L’événement de la vie a été détruit, remplacé par celui du livre ou de l’œuvre, il est vécu dans l’œuvre.
Pour illustrer cette subtilité difficile à cerner, impossible à définir, qui consiste à dire que la parole poétique n’est pas neutre sexuellement, que l’espace littéraire est habité érotiquement, qu’il y a du « il » et du « elle » dans cette habitation, un « il » un « elle » d’un autre ordre que la règle de grammaire, je vais parler de la dernière œuvre de Sophie Calle, très contestée par certains.

Pub-licité
Annick Archer
La FIPA, (Femme Idéale Prototype Archétypique), aime, par ex. le "bon" parfum (celui qui nous évite de sentir mauvais), les beaux bijoux (et non les poux et les cailloux) …,  les robes de mariage…  ensuite les layettes, ainsi que toutes les marques de lait, de yaourt, de compote, de jus de fruits, sans oublier le fromage blanc (qui donne, aux femmes-casseroles (FIPA), tout comme aux déesses (en ID - DS FIPA) "cette chair si onctueuse" et ce velouté "de peau comme du satin"…

Leo Bersani
La volonté de savoir
Traduction Marouby
Dans le narcissisme généreux de l’échange entre les amants socratiques, chacun des partenaires demande à l’autre de refléter le type d’être de l’amant, sa singularité universelle, en reconnaissant et en cultivant cette singularité en lui-même, comme ce qu’il y a de plus présent et de plus pressant dans son propre potentiel. Si nous étions capables d’entrer en relation avec autrui suivant ce modèle de narcissisme impersonnel, ce qu’il y a de différent chez l’autre (son individualité psychologique) pourrait se révéler n’être que l’enveloppe de la partie plus profonde en lui (même si elle demeure moins pleinement réalisée, ou incomplète) qui n’est autre que notre similitude. Naturellement, le type d’être de chaque sujet n’est pas reflété dans tous les autres. Mais l’expérience d’appartenir à une famille de singularité sans frontières nationales, ethniques, raciales, ou sexuelles pourrait nous rendre conscients de ce que la différence en soi, sur un plan ontologique, n’est rien de plus que ce que j’ai décrit dans Homos comme un supplément inoffensif au même.
La relationnalité que je viens d’évoquer pourrait représenter un renversement révolutionnaire du mode relationnel dominant dans notre culture, mode qui nourrit ce qu’il faut bien appeler les forces du mal qui nous gouvernent, et dont nous sommes tous, tant que nous resterons dans ce champ relationnel, les complices consentants.
L’éthique ascétique qui attirait Foucault dans l’Antiquité avait peut-être trouvé son meilleur adepte en Socrate pour qui, à la plus grande frustration d’Alcibiade et de ses tentatives de séduction, une vie vouée à l’amour était toute entière consacrée à la discussion philosophique – ou, pour ne pas terminer sur un ton aussi sobre, à un discours spirituellement liquéfiant.


Manières de disparaître chez Mallarmé et chez Lacan
Propos sur La mort parfaite de Stéphane Mallarmé de Leo Bersani
Jean Allouch
Il y a un disparaître chez quelqu’un dont la figure n’était pourtant rien de moins qu’ostensiblement publique, j’ai nommé Jacques Marie Lacan (Marie compte). L’indiquer, sinon le dire, tel sera ici un premier pas. Le second consistera en une lecture du disparaître chez Stéphane Mallarmé tel que nous l’offre aujourd’hui Leo Bersani. J’accueillerai La mort parfaite de Stéphane Mallarmé comme un dire de passeur, m’interdisant d’aller me rendre de l’autre côté de la rive, admettant a priori, pure contrainte du dispositif de passe, que ce que subsume le nom de Mallarmé c’est bien cela même que Bersani présente.


Autour de la mort de Dieu
La doctrine cachée du Zarathoustra de Nietzsche
Jean-Claude Dumoncel
Lorsque les dieux meurent, ils meurent toujours de plusieurs sortes de morts. En d’autres termes : Il y a pour les dieux plusieurs manières de mourir. Cette thèse est en effet celle qui va donner son véritable rôle théorique au thème de la « mort de Dieu » chez Nietzsche. Comme on le sait, le cri qui annonce la mort de Dieu, à l’époque d’Ainsi parlait Zarathoustra, n’est nullement une nouveauté. C’est un véritable leitmotiv du XIXe siècle, comme en témoigne l’étonnement de Zarathoustra face à la piété du vieil ermite. L’originalité de Nietzsche, ici, ce qui va le conduire, sur ce chapitre, non plus à une simple thèse où à un « mot de Nietzsche » mais à une véritable théorie (avec la valeur explicative qui s’y attache) va consister à faire de la mort de Dieu un critère du divin. La thèse capitale de Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra, c’est que la manière de mourir est, de la part des dieux, une sorte de signature et que, dans la Déité, chaque sorte de mort est définie à l’avance par la sorte de dieu à qui elle échoit en marquant ce dieu, du même coup, de sa caractéristique singulière. Les différentes manières divines de mourir composent un monogramme diversifié de la Divinité nietzschéenne. Tout le reste du livre n’est que la mise en scène somptueuse de cette typologie dramatisée qui en constitue le noyau dur.


Le smoking de Lacan
Esquisse pour un portrait de Jacques Lacan en dandy
Jean-Paul Abribat
Le 13 avril 1976, – jour de mon anniversaire –, dans son séminaire Le sinthome, Lacan répondait à une question : « Votre cigare tordu est-il un symptôme de votre réel ? », par ces quelques mots : « Certainement. Mon cigare tordu a le plus étroit rapport avec la question que j’ai posée sur la droite également tordue ». La droite est tordue et si Lacan en appelle à… Lénine (!), avec l’image du bâton tordu et redressé – ce qui peut surprendre ! –, a-t-il « dans l’esprit » la formule connue que la révolution (et dans tous les sens du terme, l’équivoque signifiante : la révolution des astres, c’est-à-dire leur retour à la même place) ne saurait jamais être « aussi droite que la perspective Nevski »… ?  Il s’agit de penser une droite qui « à l’occasion » se tord. À l’occasion. Casus. C’est-à-dire en retrouvant le clinamen épicurien, à moins qu’il ne s’agisse du “rôle éminent” tenu dans Gestes et opinions du Docteur Faustroll, pataphysicien, mais ici, sur ce point, nous n’irons pas (pour le moment !) au-delà, « de peur d’aller trop loin… »



L'unebévue n°25 : Un jour sans Freud

L'unebévue 2008


Sommaire N° 25
UN JOUR SANS FREUD



7 Médicastres et chatouilleurs de nez : les psychanalystes dans le chaudron de
l’intimité Freud/Fliess. Mayette Viltard


Qu’arrive-t-il aux lecteurs qui tombent dans le chaudron de l’intimité Fr/Fl? Ou bien, comme les éditeurs pufiens, ils se considèrent indemnes, ils ont pris les pincettes ad hoc, et accessoirement une lance à incendie, ou bien, comme Peter Swales, comme Jeffrey Masson, comme les auteurs du Livre noir de la psychanalyse, ils se mettent à ouvrir follement la bouche, ils sont gagnés par un savoir avec lequel ils ne parviennent pas à traiter. Ou bien encore, devenant psychanalystes, ils ont à trouver comment régler la question de la jouissance à l’œuvre dans le transfert. Lacan refuse la notion d’analyse originelle, et appelle Fliess psychanalyste, médicastre et chatouilleur de nez, dans la Proposition sur la passe. La chatouille, la joie locale, ouvre-t-elle à un brin de connaissance commune ? Freud et Fliess avaient-ils un rêve commun dans leur covibration sémiotique ? Plagiats, vols d’idée, luttes intestines, tempêtes dans les archives, censures des textes, les brins de jouissance restent pris dans lalangue, mais peut-il en être autrement si la lettre elle-même est aussi dans lalangue : le 13 avril 1976, Lacan disait : « Je pense qu’effectivement le psychanalyste ne peut pas se concevoir autrement que comme un sinthome ».




35 Vous avez dit cannibale ? Pour harponner quelques mots d’Herman Melville. Denis Petit


Rien d’étonnant à ce qu’on nomme un (ou une) sperm whale « Dick ». Mais le titre qui figure sur la première édition est Moby-Dick or the Whale. On risque de dévier la question si on la pose en termes il/elle. Le mot français recommandé comme « le meilleur équivalent » du mot dick, n’est-il pas lui-même du genre féminin ? Si le cachalot est un poisson, aucun problème pour qu’il soit aussi une baleine. La matérialité n’est pas affaire de taxinomie. Ce qui compte c’est l’huile qu’on en tire. Jennifer Doyle dit qu’il faut lire Moby-Dick à « contre-intrigue », dans la mesure où les passages ennuyeux, boring parts, sont « un exemple qui montre comment un jeu érotique peut venir s’incruster profondément dans l’acte même d’écriture et de lecture ». Ils constituent une serre, Hothouse, où pousse, croît, prospère la pornographie. Les mots brassés dans la grande « baignoire de Constantin » melvillienne maintiennent une tension entre allégorie et littéralité, et créent entre livre et lecteur un lien tout autant physique que celui qui est mis en jeu dans le porno.


45 Freud éconduit par ses freudologues. Michèle Duffau


Antoine Berman dans son ouvrage, L’épreuve de l’étranger, soulève la question de « redécouvrir la place qu’occupait à l’intérieur même de la pensée de Freud, le concept de traduction comme concept opérationnel ». Il veut poser la limite de ce que la réflexion classique et romantique allemande apporte et en se référant à Hölderlin, mettre en jeu « l’épreuve de l’étranger » par rapport au propre. En ce point si nouveau où Freud et Fliess, à l’orée du XXe siècle, éprouvent l’impossibilité de tenir un langage sur le langage d’une façon telle qu’un « mouvement » psychanalytique en résulte, écrivent jour après jour un échange brûlant où se joue entre eux de façon tout à fait neuve l’épreuve de l’étrangeté de l’autre, épreuve qui emporte aujourd’hui encore chaque lecteur, chaque traducteur pris dans ce même passage, voilà les OCF.P. qui revendiquent tout à la fois Berman et l’étrangeté pour justifier un forçage dans la langue d’arrivée afin de transformer ces Lettres en domaine de recherche et d’expertise dont le vocabulaire assure une « scientificité » qui n’est autre que celle du traitement moral s’abritant derrière le discours « psy », médical et non pas psychanalytique. Les « fourvoiements » (sic) de Freud, qui ne sont pas autre chose que l’invention de la psychanalyse, sont éconduits à la frontière.



65 Impasse sur la lettre. Freud perdu sans translation. Mayette Viltard


Les éditions de l’école lacanienne, par une aberration inexplicable, viennent de publier un livre de Fernand Cambon : « De quoi est fait l’inconscient ». A quoi un titre aussi antifreudien peut-il prétendre ? Pourquoi renvoyer d’emblée le lecteur aux réflexes non psychanalytiques qui se donnent pour base une entification de l’inconscient ? Les incroyables inexactitudes de ce livre veulent donner « raison linguistiquement à Laplanche contre Lacan ». Il faut dire que l’auteur prend Lacan pour un traducteur de Freud… Epel a perdu ses lettres : pas de déplacement, pas de translation, pas de translittération. Homophonie ? Mot d’esprit ? Lost without translation.



81 L’intimité, un problème particulier, éminemment politique. Anne-Marie Ringenbach


Dans la culture gay male, les scènes d’intimité principales ont lieu dans les rues, les sex clubs, les jardins publics, les WC, autrement dit, la culture hétéronormative laisse ces scènes d’intimité dépendantes d’élaborations éphémères dans l’espace urbain. Mais dans les cultures féministes, Lauren Berlant avance le terme d’« intimités mineures » (comme Deleuze et Guattari parlent de littérature mineure) qui développent une esthétique de l’extrême pour que d’autres espaces puissent se constituer. Ainsi, l’intimité se réfère à bien plus qu’à ce qui s’appuie sur les formes prévisibles à l’intérieur du champ des institutions, de l’État, et d’un idéal de fait public : l’intimité émerge aussi de processus mobiles d’attachements non indexés à un espace concret. C’est un mouvement, une poussée qui créent des espaces autour d’eux par des pratiques : ces espaces sont produits relationnellement. Vue de cette façon large, l’intimité génère une esthétique de l’attachement (an aesthetic of attachment).



103 Quand Freud lisait Conrad Ferdinand Meyer. Françoise Jandrot


« Maintenant, je dis qu’il ne faut pas embrasser les enfants. Un baiser, ça dort et ça s’enflamme à nouveau, quand les lèvres grandissent et gonflent. Et il est et demeure vrai que le roi t’a prise une fois de mes bras, jeune parrain, et t’a pressée sur son cœur et embrassée, que ça s’entendait ! C’est que tu étais une enfant excitante et jolie ».
Dans la nouvelle Le Page de Gustave Adolphe, ce n’est pas une bonne qui séduit un enfant, c’est un jésuite. Il détourne la petite Christine de Suède (fille de l’empereur) de sa religion, le luthéranisme. Il s’immisce comme précepteur auprès d’elle, et l’initie au rosaire. Freud confie à Fliess le plaisir de sa lecture.



117 Les fictions de Jeffrey M. Masson et les piqûres du diable. Xavier Leconte.


J. F. Masson, immergé dans la traduction anglaise des lettres complètes de Freud à Fliess, a découvert l’affaire Emma Eckstein dans tous ses détails sanglants, et a réalisé à quel point l’abandon par Freud de la Neurotica était une construction après coup du freudisme. Cette construction, il l’a rendue visible par la publication des Complete letters, laquelle révèle aussi que la censure avait fait disparaître tous les passages postérieurs à 1897 concernant des cas de séduction sexuelle des enfants. Masson s’est ainsi retrouvé à une place de tourmenteur tourmenté, dénonçant le point de vue de l’orthodoxie freudienne, chassé des Archives Freud, pour finalement devenir un ami des chats et un ennemi de la psychanalyse.
Si, du fait de cette bagarre, Masson a bel et bien été pris au piège d’une rhétorique simpliste, il ne pouvait pas ignorer à quel point l’opposition binaire du fantasme et de la réalité était peu congruente aux méandres de l’écriture freudienne.

L'unebévue n°24 : Hontologies queer

L'unebévue 2007

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L'unebévue n°23 : de père à fille, bataille pour l'écrit

L'unebévue 2006

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L'unebévue n°22 : La politique sexuelle des mots

L'unebévue 2005





L'Unebévue n°21 : Psychanalystes sous la pluie de feu

L'unebévue 2004 / ISBN n°291456609X / 223 p. / 22 euros.

« Un p’tit filet de voix… ». Entretien de Bernard Pivot avec Julia Kristeva
À l'âge de 24 ans Julia Kristeva est arrivée de Sofia à Paris avec 5 dollars en poche. Elle a fait toute sa carrière d'écrivain, de psychanalyste et de professeur, en France et en langue française. Elle a même épousé un écrivain français, Philippe Sollers. Peut-on mieux s'intégrer ? Et pourtant c'est aux États-Unis, dans les universités américaines qu'elle jouit de la plus grande notoriété..
À la parution de son livre, Polylogue, en mai 1977, elle est interpellée par Lacan qui termine son séminaire L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre : « j’aimerais bien qu’elle me dise si ce Polylogue est une polylinguisterie, si la linguistique y est plus qu’éparse, est-ce que c’est ça que par polylogue elle a voulu dire ? Elle agite la tête d’une façon qui paraît m’approuver mais si elle avait encore un p’tit filet de voix?»

Conversation Denfert. François Dachet
Mais enfin, la linguisterie, est-ce que tu en es plus content aujourd'hui que de la linguistique ? Parce que j'ai l'impression qu'il y a eu les retours de bâton. Tiens, à l'université, enfin.... ça a drôlement chauffé dans les dix-quinze années après ta mort. Maintenant ça s'essouffle, mais la linguisterie, est-ce que ça n'a pas aussi servi d’excuse pour prendre dans mes textes sans même en suivre la rigueur, oui, la rigueur poétique justement. A cet endroit-là, linguisterie, cuistrerie… C’était pas ce que tu voulais, mais est-ce que ça n’est pas ce qui s’est produit ? … Oui, c'est l'écart entre ce que je fais et ce que tu fais... Pour ma part c'est de séparer la poétique de la linguistique qui ne me paraît pas convenir. Mais toi, comment disais-tu déjà ? Ah, oui : la parole sur la poésie est scabreuse. Mais pas en poétique bien sûr. En psychanalyse...

L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre. D’après Jacques Lacan
(brouhaha) — Je vous l'ai déjà dit, ça m'ennuie beaucoup qu'il y ait tant de monde... (brouhaha) — Est-ce que vous entendez ? (Dans le brouhaha, quelqu’un dit : Non !) — Ça n’marche pas ? (Certains disent : Si si !) — Ça n’marche pas ! Hein ? ... pas ? (a parte) : Vous n’y pouvez rien ?... (Gloria et Lacan se parlent) — Ce, ce micro marche ou ne marche pas ? (Certains disent Non ! Quelqu’un, devant, dit avec ironie : Il marche ! ) — Quoi ?... Est-ce qu’il marche maintenant ? (Le public : On entend rien !)
Est-ce que quelqu’un entend quelque chose ? Comment ? (Quelqu’un crie : C’est pas assez fort !)
— Non mais, si l’micro est là c’est pour que le, le fond entende. Est-ce que le fond entend ? (pas de réponse, quelques vagues oui ! non !) Il hurle : Est-ce que là-bas on entend ? (Le public en choeur : Ouiii !!!)
— Voilà il y a ... une affiche comme ça, (il déplie un papier) grotesque... (grand bruit dans le public et rires) (Une voix : — Elle est à l’envers !) — Est-ce que vous avez su la lire ? Qu'est-ce que ça donne pour vous euh l'insu qu’sait, quand même, ça fait… ça fait bla-bla ! Ça équivoque… linsuksé... Et après j'ai traduit l'Unbewußte. J'ai dit qu'il y avait au sens de l'usage en français du partic… du partitif qu'il y avait de, de l'une-bévue. C'est une façon aussi bonne de traduire l'Unbewußte que n'importe quelle autre, que l'inconscient en particulier qui… qui en français et qui en allemand aussi d'ailleurs équivoque avec inconscience.

Album de photographies de l’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre.
Accumulées au fond d’un tiroir, des photos de divers états de lecture des traces de ce que Lacan avait dessiné au tableau.

«Nomina sunt consequentia rerum». André Pézard.
Il n’est parmi tant de noms propres qu’un nom de chose sur lequel Dante se plaise également à diriger sa raisonneuse rêverie : «Amour». Mais est-ce un nom commun ? La traditionnelle majuscule, qu’il ne saurait lui refuser, et surtout le rôle que joue Amour dans le drame de sa vie, n’en font-ils pas un personnage vivant ? Quoi qu’il en soit, le poète ne disserte pas sur ce nom d’Amour comme sur un terme ordinaire du langage moral ; il ne s’attarde pas à son propos dans l’analyse d’une racine et l’interprétation d’une idée abstraite ; il se hâte de nous faire partager une intuition du sentiment et presque une pure sensation de l’oreille et des fibres profondes ; «Le nom d’Amour est si doux à ouïr, qu’il me semble impossible que sa propre opération… soit autre que douce.» Et c’est ici qu’il invoque, pour se justifier, le lieu commun : « …con ciò sia cosa che li nomi seguitino le nominate cose, si come è scritto Nomina sunt consequentia rerum».

De la pluie de feu au nouvel amour, la Comédie de Lacan. Mayette Viltard
Il faut bien supposer à Lacan un guide pour sortir de l’Enfer du signifiant. Il ne voulait pas des philosophes, de ceux qui donnaient des leçons publiques à la psychanalyse, volontairement ou non, et les philosophes ne voulaient pas de lui, mais pourquoi pas un ami «aussi illisible que lui» disait-il, un ignitié, un folage, qui comme lui, s’exposait en clown dans le concert des grands textes, en route pour la chute, le figuratif, la parole, le paradis ? Alors pourquoi pas Sollers en Virgile ?
Au seuil du Paradis, oui, Lacan chute et écrit «malgré lui» les lettres d’un nouveau discours analytique qui font obstacle à ce que les quatre discours tournent en rond. Voilà Lacan, nous voilà nous-même également, avec un nouvel amour. Et il conclut en disant : «Que j’aie réussi enfin j’ai pas fait exprès qu’j’aie réussi à pousser jusqu’au porno, c’est quand même c’qu’on appelle un succès».

Du meilleur aimé. Jean Allouch
Le transfert amoureux fit, dans l’analyse, une entrée imprévue. Il aura suffi que Sigmund Freud se soit positionné à l’endroit de l’hystérique comme ne sachant pas, tout en lui offrant un dispositif où se présentait à l’horizon un possible, singulier et salvateur savoir (précisons : salvateur quant au symptôme, car, pour ce qu’il en est de l’âme…), pour que l’amour y trouve un champ favorable à décocher ses flèches. Il aura fallu quelques lustres, ensuite, pour que la question de l’amour ainsi posée dans l’agir (l’Agieren de Freud) soit référée, non pas, comme on pouvait l’attendre, à ce non savoir, pas non plus au savoir entre-temps accumulé, mais au sujet supposé savoir. Je tiens qu’on n’a pas mesuré le décisif de ce pas.

L'Unebévue n°19 : Follement extravagant - Le psychanalyste, un cas de nymphe ?

L'unebévue 2002 / ISBN n°2914596065 / 192 p. / 22 euros.
Supplément disponible en librairie (gratuit pour les abonnés) :
Cahiers de L’Unebévue
John Rajchman
Constructions
Préface de Paul Virilio
Traduit de l'anglais (américain) par Guy Le Gaufey

Queer Anna, Isabelle Mangou.
Évoquer Anna Freud crée une sorte de désordre traumatique actif lorsqu’on veut approcher l’histoire de la psychanalyse. Sur-production, trans-production, si l’on tire un bout des écrits d’Anna, on emporte un morceau de l’œuvre du père. En se réglant sur des performances mettant en jeu Texte, Image, et Vision, on peut dégager la place d’une érotique singulière, constitutive d’une transmission précaire et vulnérable de la psychanalyse.

Anna Freud et les romans à l’eau de rose, Lynda Hart.
Traduit de l’américain par Annie Lévy-Leneveu
Cet extrait du livre Entre corps et chair. Sur la performance sado-masochiste, est une discussion des diverses interprétations lesbiennes actuelles du texte d’Anna Freud, «Fantasme de fustigation et rêve diurne», et sur l’intérêt érotique des romans à l’eau de rose.

Le psychanalyste, un cas de nymphe ? Mayette Viltard.
La cure est une récidive amoureuse, écrit Freud. Sur les pas de Zoé Bertgang/Gradiva, Freud part, avec Norbert Hanold, non pour la Pompéi de Jensen, mais pour les paysages post-Renaissance, où se déroulent les nouvelles de Conrad Ferdinand Meyer. Il se soumet (inconsciemment) à ce que l’artiste vient mobiliser chez lui d’érotique, le voyage en Engadine avec Minna. De ce voyage, Freud avait ramené en souvenir une statuette qu’Anna avait appelé «un vieil enfant». En ce curieux moment historique où nous sommes, depuis que Jacques-Alain Miller a annoncé qu’il allait ouvrir les archives de Lacan, de quelle façon sommes-nous dépendants de mademoiselle Anna Freud ?

Margarete Cs. et la « La jeune homosexuelle » de Sigmund Freud.
Traduit de l’allemand pat Thomas Gindele.
En 1999, à l’âge de 99 ans, décédait à Vienne Margarete Cs. qui refusait de se reconnaître dans celle qu’avec Freud, le mouvement psychanalytique appelle “la jeune homosexuelle”. L’été suivant paraissait Désir secret, écrit par Ines Rieder et Diana Voigt à partir de l'enregistrement de soixante heures d'entretiens avec Margarete, effectués entre 1989 et 1998. Elle s'érigeait violemment, encore soixante-dix ans plus tard, contre sa thèse centrale selon laquelle la déception de ne pas avoir eu l'enfant du père l'aurait poussée dans l'homosexualité. Au point qu'elle n'aurait jamais voulu lire l'article de Freud la concernant.

Perversion sexuelle et transsensualisme, Historicité des théories, variations des pratiques cliniques, Vernon Rosario.
Qu’on ne regarde pas le transsexualisme comme travestissement, représentation, ou manipulation radicale de sexe. Les transgenres ne se divertissent pas dans un jeu de sexe, ils travaillent dans le chantier du sexe. D’une façon imaginaire ou matérielle, leur sexe est en construction . C’est aussi vrai pour le sujet dit “normal” que pour le transsexuel, nous vivons tous dans le chantier du sexe, amenés à tout moment à défendre, à renforcer, ou à reconstruire le bâtiment social du sexe.

Travailler la chair, arracher les mots, Cécile Imbert.
«Depuis le Moyen Âge, la torture accompagne l’aveu comme une ombre, et le soutient quand il se dérobe ; noirs jumeaux». On a demandé aux femmes d’avoir un certain dire sur le sexe, dire adressé à Dieu, via le confesseur ou l’Inquisiteur. Et le Tribunal de la Pénitence a indirectement produit un des principaux outils de la connaissance des mœurs sexuelles de l’époque.

Le Faust polonais, Leopold von Sacher-Masoch.
Quand la femme épouvante Satan…

Un assassin si beau qu’il fait pâlir le jour, Colette Piquet.
Beaucoup de passages ont été supprimés par Genet dans l’édition de ses Œuvres Complètes, chez Gallimard. Parfois un mot, souvent un paragraphe, ou même une longue scène, comme le meurtre du «pédé arménien», ont fait l’objet d’une sorte d’autocensure. Genet efface les traces de ce qui pourrait le dévoiler plus qu’il ne le souhaite, et, par cet effacement, répète un autre effacement constitutif de sa subjectivité, «meurtre moral», Genet définissant Querelle comme «un joyeux suicidé moral». Querelle de Brest, le seul roman qui ne soit pas autobiographique, est l’un des plus intimement motivé et aussi des plus énigmatiques.


She stoops to conquer. Deux histoires d’amour de Lucy Tower, Gloria Leff.
Traduit de l’espagnol par Muriel Varnier
Lacan considérait que les femmes se déplacent de façon plus à l’aise dans le contre-transfert et qu’avec le récit de Lucie Tower, c’est la première fois que se trouve articulé ce qui, dans la relation analytique, peut survenir de la part de l’analyste, une réciprocité de l’action Lacan souligne que «la chose a réussi» dans un cas où Lucie Tower a été touchée elle-même, ce n’est pas elle qui a touché l’autre, c’est l’autre qui l’a mise sur le plan de l’amour, et qu’en somme, le désir du patient en question est «beaucoup moins dépourvu de prise qu’il ne croyait sur sa propre analyste, de la faire courber sous son désir».

Horizontalités du sexe, Jean Allouch.
Une question nous est notamment posée par cette pluralité des horizons à partir desquels s’éprouve l’érotique : celle du statut de la clinique. Avons-nous, dans l’analyse, vraiment besoin d’une clinique de type nosographique ? Avoir ces catégories en tête, est-ce bien utile pour accueillir quelqu’un dans sa singularité ? La coupure d’avec la médecine est aujourd’hui à radicaliser comme jamais. Il s’agit que la psychanalyse redevienne ce qu’elle était : une pratique pariasitaire.

L'Unebévue n°20 : RoboPsy

L'unebévue 2002 / ISBN n°2914596073 / 128 p. / 22 euros.

L’esprit des peines : la prétendue fonction symbolique de la loi et les transformations réelles du droit pénal en matière sexuelle. Marcela Iacub

L’usage de la notion de « psychisme » a été confirmé et étendu jusqu’à définir la fonction même de l’intervention de l’État dans la sexualité. Cette attribution d’une fonction « psychique » à la loi permet d’élargir le champ de la contrainte légale que l’État s’autorise à exercer. Cet article montre, en analysant les transformations du droit pénal en matière sexuelle, de quelle manière cette invocation de la notion de «psychisme» accompagne et justifie une transformation des procédures élémentaires du droit pénal, fragilisant ainsi tout l’ordre politique, à travers une nouvelle figure de la subjectivité juridique et de la responsabilité qui a vocation à s’étendre à d’autres domaines que la sexualité.

L'expertise psychiatrique en droit pénal français : une rétrospection parmi d'autres. G. Lantéri-Laura

Les fonctions d'expert au pénal ont évolué depuis la promulgation du Code de 1810. D’une situation où les experts semblaient inutiles car magistrats et avocats redoutaient de voir le droit pénal et la pratique pénale annexés par une criminologie ambitieuse, fondée sur une médecine mentale aux prétentions annexionniste, et où s’exerçait une fonction répressive qui ne tenait compte que des actes eux-mêmes et de la défense de la société, on est passé à un usage de la pratique pénale qui, tout en conservant de tels objectifs, cherchait à s'intéresser à la personnalité de l'infracteur. Il paraîtrait bien naïf de croire que pareil souci dérivât seulement d'un intérêt humaniste à l'endroit d'un malheureux fourvoyé dans la délinquance ou la criminalité. Connaître le prévenu — à supposer que semblable démarche s'avérât sérieuse — peut, certes, aider à faire servir le choix de la peine à l'amender et à lui permettre de retourner utilement dans la société; mais cette connaissance peut tout aussi bien aider à choisir une peine qui mette plus sûrement la société à l'abri de sa malfaisance. Pourrait-elle aussi s'employer à aménager équitablement la sauvegarde sociale et l'intérêt du sujet ?


Les sœurs Papin de l’an 2002. Martine Jouannic

Théâtre, roman, essais, films, documentaire, rien n’est venu clore, à ce jour, le cas des sœurs Papin. Gérard Gourmel, chroniqueur judiciaire, a réouvert, soixante neuf ans plus tard, le dossier et fait surgir des incohérences, des manques. des données voilées par des interprétations latentes, des zones peut-être volontairement obscurcies, de l’enquête. Articles de presse, procès-verbaux, rapports médico-légaux, interrogatoires, dépositions de témoins, mettent en relief une nouvelle lecture possible de cette affaire. Un déplacement progressif de la responsabilité des meurtrières. Initialement partagée, elle se déporte vers l’aînée seule. Apparaît alors un renversement possible des positions des sœurs, allant à l’opposé des analyses du cas déjà produites : une sujétion totale de Christine à Léa, un délire à deux induit par Léa.

La manipulation mentale, cette mauvaise soumission. Arnaud Esquerre

En étudiant l’élaboration de la loi à l’encontre des sectes, on constate qu’un nouveau délit a été envisagé, celui de manipulation mentale. Les parlementaires ont d’abord considéré la manipulation mentale comme une dépendance psychologique, puis psychologique ou physique, puis comme une sujétion psychologique ou physique. Les difficultés d’en fixer les limites se sont avérées considérables. Les syndicats, les religions, la médecine, la psychanalyse, peuvent-ils tomber sous cette accusation ?


Du sujet coincé entre «homme» et «citoyen».
Guy Le Gaufey

En quoi la psychanalyse et le droit se trouvent-ils affectés conjointement par ces modifications qui ont l'air de se dérouler à cent lieues de l’une et de l’autre, et pourtant les touchent tous deux ? Les modifications contemporaines du savant équilibre révolutionnaire entre «homme» et «citoyen», avec pour conséquence l’apparition d’une justice supra-étatique, tout cela porte atteinte au statut même qu’il convient d’accorder à l’inconscient. On trouve là le statut bancal de la psychanalyse, non seulement au regard de la science, mais aussi au regard de cette raison qui s’est forgée entre science et État, comme entre cuir et chair.


Droits des assujettis, sujet du droit. Jean Allouch

Le droit consent-il au sexe tel que Freud en dégageait le ressort pulsionnel, certainement pas. De là cette conclusion : le psychanalyste, sauf à écarter l’érotique freudienne, ne peut que récuser toute demande que le droit actuellement lui adresse de participer activement à la construction et à la mise en place du paradigme du consentement. À vrai dire, si le sujet au sens analytique de ce terme, devait se nicher quelque part dans le droit, ce ne serait nulle part ailleurs que dans ce vide qui précède les constructions juridiques, que cerne aujourd’hui peut-être mieux que jamais l’artificialisation de la vie.

Où sont les avant-gardes sexuelles ? Patrice Maniglier

De même que, jadis, le sexe n’était devenu un problème politique qu’à l’occasion ou au moyen d’une transformation de la nature du pouvoir, mais avait aussi pu être, de ce fait même, le lieu de nouvelles pratiques de liberté, pour parler comme Foucault, de même aujourd’hui le sexe ne devient objet de la loi qu’en accompagnant une transformation du pouvoir d’ État, mais aussi en ouvrant à toute une conception nouvelle des usages politiques que l’on peut faire de la loi ou du droit.

L'unebévue n°17 : Les bigarrures de Jacques Lacan

L'unebévue 2001 / 168 p. / 140 FF.

Les figures rhétoriques érudites du baroque sont dignes d’introduire à celles dont l’inconscient abonde et Lacan a pu se présenter comme le Góngora de la psychanalyse. On trouvera dans ce numéro des articles des meilleurs spécialistes du conceptisme poétique de Góngora, poésie dont la facture labyrinthique est celle d’un filet – structure souple, mouvante, toujours murée mais toujours ouverte.
En se faisant lui-même bigarrure, Lacan, dandy, crée derrière lui un point d’opacité. Cela se resserre au fil de ses séminaires dans un hermétisme réglé, qui n’est pas un formalisme. Les variations de langues, de textes, les sonorités diverses, le continu et discontinu des thèmes, la combinatoire des disciplines et de leur traitement critique fait surgir un point-zéro de tension dans la langue elle-même qui permet un constant renouvellement interne du séminaire et du public lui-même, pour un enseignement des psychanalystes.

SOMMAIRE

La trame du tramail. L’écriture de Góngora, Nadine Ly
La syntaxe góngorine est figurative : elle construit l'ordre de la perception du réel et de la découverte de sa cohérence, elle construit le travail d'organisation du monde et de la pensée. Mais ce qui, au-delà de la syntaxe elle-même, est aussi, sinon plus, «figuratif», c'est précisément ce travail du tramail et celui du «poisson» pris entre ses mailles : les allées et venues entre les trois murailles souples du tramail, fábrica incierta, incertaine non pour l'artisan qui l'a nouée mais pour le lecteur qui s'y trouve pris. Ces trois murailles sont le référent lexical des mots – modernes ou étymologiques ou les deux à la fois –,leur nature grammaticale et le rôle qui, en définitive, leur est assigné par la syntaxe.

A propos du sonnet de Lacan Hiatus irrationalis, Annick Allaigre-Duny
En 1929, Lacan écrivit un sonnet qu'il jugea suffisamment réussi, ou suffisamment important, pour le publier dans Le Phare de Neuilly, en 1933. L'analyse de ce sonnet montre que c'est de la thèse d'Alexandre Koyré sur La philosophie de Jacob Boehme que se soutient le poème de Lacan. On voit comment le poème peut dire, synthétiquement et par ses moyens propres, ce que la prose développe. Puis comment, dans une certaine mesure, Lacan s'affranchit de la pensée de Boehme. Néanmoins, comme chez Boehme, il y a une «mystique» dans le sonnet de Lacan, car si la lumière du cierge de Brassaï est un phallus, l'eau qui coule est symbole de la jouissance féminine. Ainsi, pensée créatrice et acte générateur sont liés.

Cervelle garçon, Jean Allouch
Les «falsifications» et autres «inventions» de Lacan à l'endroit de «l'homme aux cervelles fraîches» apparaissent comme autant de formations symptomatiques, autant de retours du refoulé. En élisant la familiarisation de la transmission de son enseignement, Lacan reconduisait son statut d'analysant sous le régime du passage à l'acte. La dissolution de l'école freudienne de Paris était potentiellement porteuse de la fin de l'enseignement de Jacques Lacan. A cette fin, par tout ce qu'il a fait par-delà cette dissolution, Jacques Lacan aura dit non. Mais à l'instant où il était le plus près de le faire, soit : peu avant de mourir, il n'aura jamais laissé tomber Lœwenstein. Lacan aura échoué à faire de la dissolution de son école l'acte même par lequel il aurait mis fin à son analyse.

Qu’est-ce que le structuralisme (Nature et structure), Jean-Claude Dumoncel
Wittgenstein écrit dans ses Carnets, à la date du 17/6/1915 : «Le Monde a une structure profonde». La structure dont il s'agit n'est pas seulement, par exemple, une structure de la parenté, ou même de l'inconscient («structuré comme un langage»). Il s'agit d'une structure du monde. JC Dumoncel appelle ici structuralisme ontologique (ou universel) le structuralisme où, avant de s'appliquer à des choses humaines comme le langage, la notion de structure est appliquée d'abord au monde réel ou aux différents mondes possibles distingués par Laibniz.

Parlez, pariez, il suffit que vous paroliez. Remarques introductives à la mise en jeu du transfert, Marie-Claude Thomas
«Vous ne pouvez pas ne pas parier. Vous êtes embarqué». C'est sur ce mode là que Lacan présente l'entrée du sujet dans le signifiant, dans le jeu des signifiants avec la perte qui lui est inhérente. Mais perte de quoi ? Lacan dira : perte de ce qui, en négatif, s'articule et ne s'articule pas d'un sujet, car c'est au point de la mise, de la perte, que le sujet résiste : bien qu'engagé, il ne veut pas savoir, d'où la distinction entre le sujet toujours-déjà engagé, jouet du signifiant, et le sujet que Pascal invite à s'engager (Ich). Il faut donc distinguer entre le fonctionnement du pari et les conditions de la mise.

Les dessins dans Vie de Henry Brulard de Stendhal, une écriture de l’expérience de soi..., Françoise Jandrot
Pas plus qu'ils ne servent à combler les défaillances de la mémoire, les dessins ne comblent l'absence voulue des descriptions. Leur répétition les transforme en élément d'écriture. Si les femmes (autrement dit l'amour) ont occupé toute sa vie, Stendhal n'obtiendra pas de son vivant une reconnaissance comme théoricien de l'amour. Il n'y prétend point, la nécessité seule le porte à témoigner de son expérience douloureuse. Poussé par cette nécessité de l'écriture sur lui-même, mais voulant éviter les pièges narcissiques du paraître, il trouve avec les dessins un dispositif d'écriture hétérogène, écriture de l'expérience du vide, de l'expérience de soi.

Lacan, Derrida et “Le verbier d’Abraham et Torok”, Marcelo Pasternac
Derrida considère Le verbier de l'homme aux loups comme un événement, un puissant travail «anti-sémantique» ou de «désignification». Il salue la théorie de la «crypte» en tant que théorie psychanalytique à propos du Moi, qui implique un «nouveau concept métapsychologique de la réalité». Lacan, lui, se déclare «terrifié» car plus ou moins responsable «d'avoir ouvert les écluses de quelque chose sur quoi il aurait aussi bien pu la boucler».

Géométrie mentale, Nicolas Bouleau
On préconise souvent des exercices d'expression écrite er orale, suivant le principe que ce qui s'énonce clairement est la marque de ce qui se conçoit bien. Or le calcul mental n'est pas limité au calcul numérique, on peut calculer mentalement des primitives, simplifier des expressions analytiques. Peut-on aller plus loin et envisager du calcul mental géométrique : procéder mentalement à des transformations de figures simples permettant de calculer des aires ou des volumes ? Peut-il y avoir aussi une pensée sans mots ?

L'Unebévue n°18 : Il n'y a pas de rapport sexuel

L'unebévue 2001 / 160 p. / 140F; 23,34euros.
Centenaire Lacan.
Actes du Colloque, organisé par l'école lacanienne de psychanalyse,
les 5 et 6 mai 2001, à la Cité des Sciences à Paris

Sommaire

Trois préliminaires au non rapport sexuel, Jean Allouch.

Freud avait noté, avant même d'avoir inventé la méthode analytique, que la névrose d'angoisse était liée au coïtus interruptus, où la subjectivité, pour le dire dans les termes de Lacan, se trouve focalisée sur la détumescence, ce qui, en l'occurrence, angoisse. Reconnu en défaut, le phallus ne saurait discriminer deux sexes, ni même fournir à chacun une identité sexuée. Le rapport au sexe, dira plus tard Lacan est un rapport «parasexué».Le nom de ce parasexe est connu depuis Freud. C'est ce que Freud appelait pulsion. C'est un seul et même énoncé que de dire «il n'y a pas de rapport sexuel» ou bien de dire «il y a de la pulsion».


Le crime était presque sexuel, Marcella Iacub.

Dans le droit contemporain, le meurtre n'est plus le seul mal absolu ; à son côté, il y a le crime sexuel. Depuis une quinzaine d'années les violeurs sont, en moyenne, presque aussi lourdement condamnés que les meurtriers ou les assassins. Voilà donc la criminalisation sexuelle nouvelle. Dénormalisée, elle perd sa précision en ce qui concerne le type de comportements punis. Et puisque les actes ne sont plus définissables, ils doivent être qualifiés à partir des intentions des auteurs, ce qui va à l'encontre des principes du droit pénal. Dématrimonialisé, en tant qu'événement criminel, le sexe perd toute référence à la protection d'un certain ordre social, pour protéger ce quelque chose d'intime, de secret et de juridiquement insaisissable que l'on appelle le sexe.
Ainsi, paradoxalement, on peut penser que la réforme des années 1980 dont nous héritons, a été peut-être la façon la plus efficace de reconduire, en la transformant du fond en comble, la politique des anciens crimes contre les murs.



«Notre Éros dans ce qu'il a d'illimité»
La Madone en jeune homme, selon Pier Paolo Pasolini
, Mayette Viltard.

Dans une interview de 1973, lorsqu'on demande à Pier Paolo Pasolini, à propos de la Rome qu'il aime : «Quel sexe lui attribueriez-vous ?», il répond : «Eh bien, je lui attribuerais un sexe ni masculin, ni féminin. Mais ce sexe spécial qui est le sexe des jeunes garçon». Seulement, les jeunes garçons ont perdu la ville-garçon, l'église-garçon, la mère-garçon, ils ont été uniformisés, universalisés, catholicisés, pastoralisés, par l?hédonisme de la consommation du sexe et par la destruction des dialectes, ils sont devenus des fascistes ordinaires. Là est le crime du vieux saint Paul. Pasolini admet que chez saint Paul, on peut mettre en rapport les attaques de glossolalies et son homosexualité, analyse qui s'inscrit dans le droit fil de Freud. Deux Paul alors, selon Pasolini, celui du fantasme, qui fonde une Église, une religion universelle, et que Saló ou les 120 journées de Sodome met en scène, sous la forme d'un Paul/Sade le pharisien, et celui qui se trouve au joint de ce fantasme et de sa pulsion sexuelle, dans l'expérience glossolalique de l'amour des garçons, et qui sera mis à mort, celui du scénario saint Paul jamais tourné. A la base de l'articulation des deux Paul, il y a le rapport entre la langue que chacun parle et sa sexualité. Le sexe, avec ses féroces intolérances, est une zone inculte de notre conscience et de notre savoir. La langue également. À la Trinité de Saló, qui fait Un en Trois, Pasolini répond par le Narcisse de la Meilleure Jeunesse, Un et double.



Justine, ou le rapport textuel, Jean-Paul Brighelli.

Les écrits de Sade posent un problème nouveau, en ce qu'ils énoncent, dans l'ordre des faits, ce qui partout ailleurs ne se révèle que dans l'épaisseur du fantasme. L'imaginaire ne batifole pas dans le texte sadien. Il n'y a pas d'espace pour le lecteur. Jean Paulhan avait déjà évoqué l'«étrange secret de Justine» : «Ce qui nous le rend difficile, ce n'est pas qu'il soit innommable. Non, c'est tout le contraire, c'est qu'il est déjà nommé». L'ennui naît donc d'un malentendu. Ce n'est pas ici l'érotisme qui est en jeu, ni en représentation, - c'est l'écriture. Ce que le bourreau tire de sa victime, dans les romans de Sade comme dans ceux de ses innombrables épigones, ce n'est pas du sang, mais de l'encre.



Out of Australia. Pour une éthique du déchet. David M. Halperin.
texte traduit de l'américain par Marie Ymonet et Paul Lagneau-Ymonet

Que reste-t-il quand la valeur se retire du monde ? Poser la question, c'est déjà parler de déchet. Rien de ce qui garde une valeur ne peut être tenu pour un déchet. Là où apparaît le déchet, se joue une scène de départ. Le déchet préfigure en effet le moment où les choses que nous aimons vont entamer le long et lent périple qui les éloigne de nous et les font accéder à une nouvelle existence, qui n'est peut être rien d'autre que celle qu'elles menaient avant d'entrer dans notre vie. Plus encore, le déchet marque une incertitude dans le rapport que nous entretenons avec la valeur de notre propre existence. Dans le déchet, il y a, en puissance, l'échec de la vie, le gâchis, dont la crainte toujours présente hante les efforts des hommes. C'est pour cela que nous ne cessons de nous exhorter les uns les autres à nous épanouir, à faire en sorte que notre vie soit une réussite. La différence entre morale et éthique réside dans leurs approches divergentes de la valeur et du déchet. Aux yeux du moraliste, une vie n'est pas gâchée tant qu'elle est vécue au service d'une ou plusieurs valeurs préalablement définies. Elles confèrent à la vie une signification qui la transcende et rachète sa perte. À l'inverse, un point de vue éthique s'efforce de mesurer, d'évaluer et de rendre compte avec précision, parmi les diverses pratiques qui déterminent un mode de vie, des stratégies qui sont déployées pour gâcher sa vie.


Drague et sociabilité, Leo Bersani.

La sociabilité est une forme du relationnel non contaminée par le désir. La drague est une forme de sociabilité sexuelle. Le risque qu'elle présente n'est pas tant que les relations s'y trouvent réduites à la promiscuité sexuelle, mais au contraire que la promiscuité puisse s'arrêter. Dans le modèle de la drague qui nous est implicitement proposé aussi bien par l'étiologie freudienne du désir homosexuel que par la fable d'Aristophane dans Le banquet, la recherche de soi dans le monde extérieur ne peut être qu'une peine bénéfiquement perdue. La drague, comme la sociabilité, peut nous former à une intimité impersonnelle. Foucault a affirmé qu'après Descartes, on a un sujet de connaissance non-ascétique. Se pourrait-il que la diffusion de certaines pratiques ascétiques menace la sécurité de ce ¡sujet de savoir» et en particulier l'illusion de pouvoir destructrice d'un moi hypertrophié par rapport à ses objets de savoir. En essayant de répondre à ces questions, nous serions bien sûr engagés dans l'élaboration d'une nouvelle éthique. Imaginons celle-ci comme une éthique écologique, selon laquelle le sujet, ayant consenti à son propre amoindrissement, pourrait vivre de façon moins intrusive dans le monde. Si notre centre psychique pouvait finalement paraître moins séduisant que nos innombrables réapparitions imparfaites dans le monde extérieur, il pourrait alors sembler non seulement impératif mais désirable de traiter l'extérieur comme un domicile naturel.


Pourquoi Juliette est-elle une femme ?, Annie Le Brun.

Si Juliette est la négation annoncée de sa sœur Justine, elle n'en est pas moins le résultat d'un long travail. Tout le personnage de Juliette est construit sur ces deux vitesses qui entraînent le corps et l'imaginaire dans la course qu'aucune pensée n'a pu concevoir contre la limite, limite de ce qui est limite de la pensée elle-même. Et c'est en cela que Juliette s'oppose absolument à Justine, non parce qu'elle est son contraire, mais parce que, en niant physiquement la ruine de sa sœur, elle s'autorise à un pari métaphysique qui bouleverse la perspective. Parce que, en plus de l'extraordinaire tremplin physique que constitue sa malheureuse sœur, Juliette a un secret qui la différencie de ses amis libertins, hommes ou femmes.


Revue publiée avec le concours du Centre national du livre

Jean-Luc Nancy, sollicité à publier son intervention avec les autres, a préféré la publier indépendamment (cf. L'"il y a" du rapport sexuel, Paris, Galilée, 2001).

L'unebévue n°15 : Les communautés électives I - Une subjectivation queer ?

L'unebévue 2000 / ISBN n°2908855542 / 140.00 FF.
Supplément abonnés :
Les p'tits mathèmes de Lacan, J. L. Sous
Cahiers de l'Unebévue

Socialité et sexualité
Leo Bersani.
Quelle suite donner aux réflexions de Michel Foucault considérant l'homosexualité comme une occasion historique de rouvrir des virtualités relationnelles et affectives, un style de vie, une culture, une éthique ? Freud ayant défini le sexuel, et Lacan la jouissance, d'une manière tout à fait incompatible avec la préservation d?une identité sexuelle stable, le projet queer est fondamentalement irréalisable sans la collaboration de la psychanalyse. Et le texte fondateur dans la tradition occidentale, du désir comme manque, le Banquet de Platon réclame une nouvelle lecture.

Pasolini, Moravia, une mort sans qualités
Mayette Viltard.
Ce n'est pas à Pasolini qu'on apprendra que c'est à se sentir le même qu'on ressent la différence, il se sait assez puant pour ne pas se sentir rattaché à la merde, cette boue si présente dans ses films et ses poésies. Il n"aimait pas le mot «gay» : le mot gay ignore le vice. Sa mort a donné lieu a beaucoup d?émotion et de commentaires. Seul Moravia a su se taire.

Homosadomaso : Leo Bersani, lecteur de Foucault
Marie-Hélène Bourcier.
Ce texte est une ébauche d'une épistémologie du placard psy. Nous assistons à un développement de cultures sexuelles qui n'entretiennent pas de lien de dépendance avec les régimes de la vérité du sexe. Le S/M dégenderise, déhétérosexualise en montrant qu'il est possible de penser ledit rapport sexuel autrement qu'à travers la différence sexuelle exprimée par une conception binaire, voire biologique du genre.

Pour reconsidérer le sujet comme un processus du soi : de Michel Foucault à Judith Butler
Alan D. Schrift.
Faire du sujet un processus du soi est indissociable de la lecture que Foucault fait de Nietzsche. L'éthique devient pour Foucault une enquête dans la relation du soi à lui-même. Tout en faisant preuve de critiques à l'égard de quelques-unes des positions de Foucault sur la différence sexuelle et le corps, les travaux de Judith Butler sur le fait que l'identité est une pratique et le genre une performance, ont une dimension politique qui est profondément foucaldienne.

Suis-je quelqu'un, ou bien quoi ? Sur l'homosexualité du lien social
Jean Allouch.
L'AMOUR comme sacrifice idéalisé, LA BAISE comme sacrifice épargné, LE COLLECTIF comme sacrifice à la fois réalisé et encore suspendu, LE DEUIL comme sacrifice gracieux, voilà quatre régimes érotiques du sacrifice qui apparaissent comme autant de réponses au cogito lacanien.

Trois versions de l'identité personnelle : Locke/Freud/Lacan
Guy Le Gaufey.
Avec sa théorie de la conscience, Locke a ouvert la possibilité de rencontrer plusieurs «personnes» chez le même individu, hypothèse qui sous-tend les travaux sur les «personnalités multiples». Dans les références freudiennes, la possibilité de personnalités nécessiterait un clivage «réussi», ce que Freud refusera fermement. Mais l'énoncé lacanien selon lequel le signifiant représente le sujet pour un autre signifiant relance la question par un bord inattendu.

Approches de l'amitié
Maurice de Gandillac.
Publié en 1945, dans le fil des travaux du moment, les Klossowski, Wahl, Bataille, Blanchot, Sartre, etc., ce texte, à la sortie de la guerre, met dans l'amitié le risque ultime. C'est l'existence elle-même que la structure de l'amitié menace à tout instant. Bercé par un très subtil anonymat, le Nous intime et exaltant peut devenir un nouveau On plus tyrannique d'être moins décelable.

L'unebévue n°16 : Les communautés électives II - Ils parlent de l’amitié

L'unebévue 2000 / 140.00 FF.
Supplément abonnés :
Raymond Roussel à la Une, Janine Germond.
Cahiers de l'Unebévue

Ils parlent de l’amitié — Bersani, Foucault, Bataille
Christiane Dorner.
Bersani, Foucault, Bataille sont ici rassemblés, car ils ont en commun le projet de trouver un langage autre, pour de nouvelles modalités relationelles entre humains, où le sexe, les classes, les nationalités, entre autres, ne seraient plus pris en compte selon les critères de la socialité courante. En ceci, la psychanalyse est à la fois sollicitée, critiquée et directement concernée.

Des lits d’initiés
David M. Halperin.
David Halperin déclare ici donner raison, non seulement dans ses propos, mais aussi dans sa pratique, aux déclarations de Foucault et de Lacan sur la disparition de l’initiation dans les techniques de savoir concernant le sexe dans la culture européenne contemporaine.

Ça ne se dit pas. À propos de la traduction de Cent ans d’homosexualité et autres essais sur l’amour grec, de David Halperin
Isabelle Châtelet
Traduire cet ouvrage de David Halperin, c’est faire passer en France combien redéfinir notre rapport aux Grecs, c’est introduire du neuf dans notre conscience culturelle, politique et personnelle, c’est découvrie une nouvelle façon de nous voir et c’est créer, peut-être, de nouvelles façons d’être dans notre peau.

Triangle rose sur fond noir
Dominique De Liège.
Quelques réflexions sur l’idéographie concentrationnaire qui traçait le triangle jaune pointe en haut, et tous les autres, dont le rose, pointe en bas.

L’injure : nommer quoi ?
François Dachet.
Le passage du séminaire Le Transfert, dans lequel Lacan qualifie l’assemblée du Banquet de Platon de “rassemblement de vieilles tantes” est-il injurieux à l’égard des gays ?

La communauté élective ne fait pas œuvre, elle existe
Anne-Marie Vanhove.
Il serait sans doute difficile de démontrer que Lacan s’est inspiré ou souvenu d’Acéphale quand il a créé l’École Freudienne de Paris. Cependant, la proximité de Lacan avec l’expérience de la communauté élective Acéphale est indéniable. et le dispositif mis en place par Georges Bataille pour créer un lien social qui instaure de nouveaux rapports entre l’expérience et l’existence est une démarche qui a de nombreux points communs avec la communauté (souveraine ?) des psychanalystes.

Jorge Bonino, ou la communauté en acte
Alicia Larramendy de Oviedo.
Au milieu des années soixante, Jorge Bonino, architecte argentin, a “senti qu’il était en train de se passer quelque chose”[le moment de gestation de l’avant-dernier coup militaire en Argentine] et a voulu “rassembler des gens”. Pour ce faire, il a demandé à ses amis de l’aider à monter un spectacle dans une langue inexistante, incompréhensible, avec des traces sonores de roumain, d’espagnol, d’espéranto et de babil.

Le supplice comme figure de la transgression
Colette Piquet.
Selon Georges Bataille, il n’y a pas d’amitié sans supplice. Est-ce à dire que l’amitié, ce serait suppliciant, à la façon sartrienne de “l’enfer, c’est les autres” ? Certainement pas. Cela signifie à l’inverse que le supplice précède l’amitié, que la déchirure précède la communication.

Quelques remarques sur la mort de Dieu dans L’expérience intérieure
Anne-Marie Ringenbach.

Même mort, même tué, Dieu garde une place dans le langage et le réel. “Dieu est une fille publique” est bien la formule que Bataille livre et que va retenir Michel Foucault : Bataille traite la question du vide du langage, désigné par Dieu, en liant “en une forme commune la pensée de Dieu et la pensée de la sexualité”.

L'unebévue n°12 : L’opacité sexuelle II - Dispositifs, agencement, montages

L'unebévue 1999 / ISBN n°2908855402 / 140.00 FF.
Supplément abonnés :
Jean-Claude Dumoncel
Le pendule du Docteur Deleuze
Cahiers de l’Unebévue

Qu’est-ce qu’un dispositif ?
Gilles Deleuze.
Gilles Deleuze parle des dispositifs de Michel Foucault tout en les mettant en rapport avec les agencements. Les dispositifs ont donc pour composantes des lignes de visibilité, d’énonciation, des lignes de forces, des lignes de subjectivation, des lignes de fêlure, de fissure, de fracture, qui toutes s’entrecroisent et s’emmêlent, et dont les unes redonnent les autres, ou en suscitent d’autres, à travers des variations ou même des mutations d’agencement. Chez Foucault, il n’y a aucune universalité du vrai. La vérité désigne l’ensemble des productions qui se font à l’intérieur d’un dispositif. Un dispositif comprend des vérités d’énonciation, des vérités de lumière et de visibilité, des vérités de force, des vérités de subjectivation. La vérité, c’est l’effectuation des lignés qui constituent le dispositif. Extraire de l’ensemble des dispositifs une volonté de vérité qui passerait de l’un à l’autre comme une constante est une proposition dénuée de sens chez Foucault.

Traitement héroïque ! User avec la langue, ou la langue-saignement Roussel
Yan Pélissier.
Avec Raymond Roussel, impossible de méconnaître l’importance matérielle de la lettre. Jusque dans le brochage du livre, jusque dans le comptage des heures qu’il a fallu pour l’écrire, jusque dans la liste de ceux à qui il était prêt de l’envoyer, jusque dans sa mort.

Lettre de Lacan à Foucault
Le 8 mars 1968, Lacan envoie une lettre à Foucault sur les difficultés logiques de l'universel et du particulier, et évoque la liberté laissée au "pas" de s'accoler au "tout".

La leçon des Ménines
Mayette Viltard.
Foucault, Lacan ? Leur influence réciproque fut discrète et importante. Foucault considérait que Lacan faisait partie de ceux qui “ont fait les premiers apparaître le problème du sujet comme problème fondamental pour la philosophie et la pensée moderne”. Lacan dira de Foucault, en 1966 : c’est “un investigateur dont le type de recherches n’est certainement pas éloigné de celui dont ici, au nom de l’expérience analytique, je prends la charge”. Trois moments de rencontre entre eux permettent de suivre une de leurs difficultés communes : comment analyser, chacun dans leur domaine, que les “structuralistes”, qui auraient dû être les plus aptes à prendre en compte la matérialité du signe, en étaient paradoxalement devenu la tombe.

Masculin et féminin en conjonction
Marie-Claude Thomas.
Robert van Gulik, en publiant une étude sur la vie sexuelle en Chine ancienne a montré comment les Manuels de sexe étaient censés éclairer la "conjonction harmonieuse" entre l'homme et la femme. Une sexualité sans l'embarras du phallus ?

Les tours de magie de l’écrivain, ou les fruits de l’exploitation ?
François Dachet.
Raymond Roussel, en expliquant comment il avait écrit certains de ses livres en révélant leur procédé "très spécial", ajoutait : "Il me semble qu'il est de mon devoir de le révéler, car j'ai l'impression que des écrivains de l'avenir pourraient peut-être l'exploiter avec fruit". Brevets d'invention industrielle, formule de jeu d'échecs, Roussel veut transmettre un savoir-faire.

“L’évidence du Même” ou une expérience du labyrinthe
Claude Mercier.
Chez André Masson, la ligne est temporelle, ou plutôt elle est errante, chaque ligne est brisée, soumise à des dérivations. Le tableau, composé de lignes de natures différentes, forme un écheveau, un ensemble multilinéaire, fait de lignes de lumière — tout est variation. La transparence entraîne un processus de rupture avec tout illusionnisme perceptif.

Un inconnu fait signe
Guy Le Gaufey.
Alain Corbin a entrepris de faire l’histoire d’un individu totalement obscur, Louis-François Pinagot, qui, de lui-même, ne laissa aucune trace. Sauf une, “une croix ample et malhabile”, preuve de sa présence. Comment traiter de l’identité de ce “Jean Valjean qui n’aurait pas volé de pain” ? L’identité en jeu à ce niveau ne résulte plus d’aucun trait. Le sujet témoigne-t-il pour autant ?

Pages choisies, présentation de Alfred North Whitehead.
Les philosophes dans le monde d’aujourd’hui. Jean Wahl

L'unebévue n°13 : Le corps de la langue

L'unebévue 1999 / ISBN n°2908855437 / 22€.
Supplément abonnés :
Erra Tu m'… Erratique érotique de Marcel Duchamp. G. Bauer.
Traglais de l'anduit par G. Le Gaufey.
Cahiers de l'Unebévue.

Un peu de matière textuelle.
Isabelle Mangou.
Le poème védique La danse des pierres, traduit par Charles Malamoud, indique comment le texte doit être mis à sa bonne place, comme matière auditive, poésie et hermétisme. Les arrangements de langue, véritables bigarrures linguistiques, sont indissociables de la danse indienne. Cette poésie à voir et à entendre se trouve comme dans la Danse des pierres, embrayer d’un coup, corps, langiue et texte,

Le désir de l’Autre : un artifice franco-latin
Anne-Marie Vindras.
“L’inconscient est le discours de l’Autre où il faut entendre le de au sens du de latin (détermination objective) : de Alio in oratione (achevez : tua res agitur)”. C’est en ces termes que Lacan, allant chercher Horace, présente le désir de l’Autre, tout en ajoutant la voix caverneuse du Béelzébuth de Cazotte énonçant en italien le fameux Che Vuoi ?

Lacan, lecteur de Bentham. “La vérité a structure de fiction”
Jean-Pierre Cléro.
Jean-Pierre Cléro, philosophe et traducteur actuel de Jeremy Bentham, a rencontré en Lacan — initié sur ce point par Roman Jakobson —, un des rares lecteurs de Bentham accordant aux travaux de Bentham sur le langage toute leur importance. Lacan, déclarant que la vérité a structure de fiction repère chez Bentham la justesse de sa théorie des fictions. Ceci amène J.P Cléro à faire valoir, chez Lacan, l’importance de ses références à la philosophie anglaise, et pas seulement, comme on le montre couramment, à la philosophie allemande.

A propos de la théorie des fictions de Jeremy Bentham
Extraits de Roman Jakobson.
Ces quelques extraits de Questions de Poétique viennent indiquer à quel propos Jakobson s’est référé à Bentham et à sa Théorie des Fictions. Cela lui permet de donner une assise aux structures grammaticales qui contraignent le poète aussi bien que le scientifique.

Imaginer la structure de la langue
Michèle Duffau.
La psychanalyse est-elle capable d’articuler une éthique ? Pour répondre à cette question, Lacan se réfère à Jeremy Bentham, une première fois en 1960, une deuxième fois en 1973, afin de situer le joint qui unit réversion freudienne et réversion utilitariste. Chez l’être parlant, la réalité est abordée avec les appareils de la jouissance, et d’appareil, il n’y en a pas d’autre que le langage. C’est ainsi que la Théorie des Fictions, qui est un des fondements de l’œuvre de Bentham, et qui éclaire en particulier deux textes, Défense de l’usure, et Le panoptique, a pour Lacan, une place éminente.

L'unebévue n°14 : Éros Érogène ?

L'unebévue 1999 / ISBN n°2908855526 / 140.00 FF.
Supplément abonnés :
Platon et la réciprocité érotique, David M. Halperin
Traduit de l'anglais par G. Le Gaufey et G.-H. Melenotte
Cahiers de l’Unebévue

Le “sujet de désir” aux prises avec Éros : entre Platon et la poésie mélique
Claude Calame.
Ce qui est en cause dans les différentes lectures du Phèdre, c’est la projection sur le texte de Platon de la notion de sujet. L’étude du sujet érotique de la poésie mélique permet de cerner l’asymétrie constitutive qui détermine la relation d’homophilie en Grèce antique.

Le stade du miroir revisité
Jean Allouch.
Se pourrait-il que la mise en valeur tardive de l’anterôs dans la problématisation grecque de l’érotique soit liée à quelque trait physiologique de la rencontre amoureuse ? Et que la jouissance féminine éteigne le problème, qui demeure intact chez le garçon ? Il devient alors possible de présenter cette question de l’anterôs comme une version du stade du miroir compatible avec l’invention de l’objet a.

Un éromène au pays des Noumènes
Jean-Claude Dumoncel.
Ce que le personnage platonicien dessine de son doigt dans le sable, il nous faut le tracer sur le papier. Platon applique toujours, comme partout, la même loi de l’échelle platonicienne. Aussi le jeu de l’amour va-t-il se produire deux fois : il y a d’abord un Noumène de l’amour, puis un phénomène de l’amour. Thème ultime du Phèdre, le désir est d’Éros mais le plaisir est d’Aphrodite, l’amour socratique est le prototype du Désir ascétique selon Deleuze.

Les études de la pédérastie grecque éclairent-elles nos perspectives sur la mystique affective féminine catholique ?
Jacques Maître.
L’étude des processus par lesquels passe l’acculturation de thèmes platoniciens dans la mystique féminine constitue aujourd’hui un thème majeur de l’histoire de la spiritualité. Chez Platon, la beauté de l’éromène renvoie à la Beauté en soi. En régime de catholicisme, la beauté de Jésus ne renvoie qu’à Jésus, puisqu’il est Dieu. C’est le pont aux âmes : monothéisme, incarnation, expérience mystique.

Une relation sans converse
Guy Le Gaufey.
Les notions de contre-transfert et d’intersubjectivité viennent questionner l’impossible articulation de l’imaginaire et du symbolique. Que Pierre aime Paul n’implique pas que Paul aime Pierre, mais dans une relation logique sans converse, que Pierre aime Paul n’implique pas que Paul soit aimé par Pierre. C’est bien cette relation-là qui est à la base de ce que Lacan développe sur la relation transférentielle.

Le thème du miroir dans l’histoire de la philosophie
Émile Jalley.
Il se pourrait fort que le thème du miroir constitue l’une des images privilégiées qu’a utilisée, selon des variantes diverses, tout l’histoire de la philosophie. Les deux aspects principaux, le signifiant miroir d’une part (reflet, copie, image, modèle), l’immense question de l’imagination et du spéculaire d’autre part, trouvent leur point d’origine dans la philosophie platonicienne.

L'unebévue n°11 : L’opacité sexuelle I - Le sexe du maître

L'unebévue 1998 / ISBN n°2908855380 / 140.00 FF.
Supplément pour les abonnés
Le rectum est-il une tombe ? Leo Bersani
Traduit de l’américain par Guy Le Gaufey
Cahiers de l’Unebévue

La solitude. Pier Paolo Pasolini

Note sur la sexualité dans l’œuvre de Michel Foucault
Frédéric Gros.
Quelques fils autour d’une pensée, par Foucault, de la sexualité : sexualité et partage des interdits, sexualité et résistance, sexualité et subjectivation. Et c’est à chaque fois une opacité qualifiée qui émerge.

Pour introduire le sexe du maître
Jean Allouch.
Quelles pourraient être les conséquences de la reconnaissance du katapugon sur le rôle attribué au complexe d’Œdipe en psychanalyse ? On a peinturluré ladite sexualité féminine en “continent noir”, en en faisant un problème différent de celui de la sexualité masculine. Mais y a-t-il deux sexualités ? Si l’orgasme est la mise hors jeu du phallus, comme Lacan l’indique, cette problématisation du sexe ne fait-elle pas du masochisme l’essence du sexuel ? La thèse formulée par Lacan , selon laquelle “il n’y a pas de rapport sexuel” permet de rendre caduque la création par le discours médical, au milieu du XIX° siècle, de l’homosexualité.

Artaud-Gide
James Miller.
Dans son chapitre intitulé “Le chateau des meurtres,” dans son livre La passion Foucault, James Miller nous rend compte de ce grand moment de la conférence d’Artaud au Vieux Colombier.

Saló ou les 120 journées de Sodome
Mayette Viltard.
Pasolini voulut publier son petit livre La divine mimésis en même temps que la sortie de son film Saló. Le livre n’était pas terminé et Pasolini fut assassiné avant que Saló ne soit sur les écrans. Cet incorrigible maniaque de la vérité soutenait que “les maîtres sont faits pour être mangés à la sauce piquante”.

Booz et la “patternité”ou la condensation freudienne assignée à résidence métaphorique
Jean-Louis Sous.
Dans la façon dont Lacan a lu la condensation freudienne, il y a eu ce moment où il a fait virer ce terme au titre de métaphore. N’y a-t-il pas eu passage forcé ? Il s’avère que c’est à Booz et à nul autre que revient la paternité de la notion de métaphore chez Lacan. Et le Booz de Lacan n’est pas vraiment celui de Victor Hugo...

La politique de l’orgasme
David Cooper.
Figure de proue du mouvement de l’antipsychiatrie dans les années soixante, David Cooper était intervenu au colloque “Sexualité et politique” à Milan en 1975, en prononçant cette diatribe virulente contre la sexualité mise au service de la procréation.

Ernst Wagner déclare : Ich bin Sodomit”
Anne-Marie Vindras.

Paranoïaque dramaturge, Ernst Wagner serait aujourd’hui qualifié de serial killer. C’est pourtant chez les poètes, et plus précisément chez les Minnesänger, troubadours allemands du XII° et XIII° siècles, que Wagner cherche l’inspiration, la force, la reconnaissance, c’est par eux qu’il espère pouvoir soutenir sa déclaration sexuelle.

Accueillir les Gay and Lesbian Studies
Jean Allouch.

Depuis maintenant plus de vingt ans, les Gay and Lesbian Studies se sont développées au point de former un réseau complexe et serré d’études récusant les distributions de savoir en diverses disciplines. Un des points communs essentiels avec le champ freudien, la question du non-rapport sexuel.

L'unebévue n°08/09 : Il n’y a pas de père symbolique

L'unebévue 1997 / 220.00 FF.
Suppléments abonnés :
Le refoulement. S. Freud
Comparaison mythologique avec une représentation compulsive plastique.
S. Freud
Une relation entre un symbole et un symptôme. S. Freud
Séance du 9 juin 1971 du séminaire D'un discours qui ne serait pas du semblant. J. Lacan

Un drame bien parisien
Alphonse Allais.
Ce n’était pas lui! Ce n’était pas elle!

Le Dasein en objet a
Catherine Webern.
Il y a un certain trouble pour qui voudrait transmettre avec Lacan que l’échec de la métaphore paternelle caractériserait la psychose. Lacan convoque à la fois Freud, Heidegger, et Descartes pour parler du sexe, ce qui, dit-il est impossible.

Les premiers pas...du père symbolique
François Dachet.
“Il n’y a pas de père symbolique, ne l’a-t-on pas remarqué, dans l’articulation dont j’ai différencié frustration d’une part, privation et castration de l’autre”. C’est ce que Lacan a écrit dans ses notes préparatoires à la séance du 9 juin 1971 dans son séminaire D’un discours qui ne serait pas du semblant, écrit, mais pas dit.

L’homme Moïse et le noeud bo
José Attal.
Sur le Mont Nebo, Moïse assentit à sa propre disparition. L’Homme Moïse et le monothéisme, n’est-ce pas le texte, longtemps retenu par Freud, qui soutient qu’il n’y a pas de père fondateur de la psychanalyse ?

Bêtes de savoir
Gérard Blikman.
Un peu bêtes, les enfants analpha-bêtes? Du savoir des bêtes de Kafka? Communauté bien singulière. Qu’est-ce que ça va produire ? Des bouts de savoir ? Des défis à la langue ? Des morceaux d’écriture ? Une littérature ? Un petit “rien” ? “Le vieux comte était mort et le jeune aurait dû régner, mais il n’en était pas ainsi, il y avait une pose dans l’histoire, de sorte que la députation se promenait dans le vide”.

Intolérable “Tu es ceci”. Propos clinique sur l’auto-destruction d’une psychiatrie compréhensive
Jean Allouch.
A ce couplage de “Wagner le monstre paranoïaque” et de “Gaupp son psychiatre”, Wagner lui-même répond dans sa pièce de théâtre Délire, avec d’autres couples, la grenouille et la souris, Louis II de Bavière et von Gudden son psychiatre.

Pas besoin de traduire?
G.Th.Guilbaud.
Guilbaud répond à un exercice de logique formelle proposé par Lewis Carroll en commençant par poser une question : quels sont les termes dont il est nécessaire de connaître le sens pour pouvoir raisonner correctement ?

1892-96, premières élaborations de Freud sur le refoulement
Françoise Jandrot.
Malgré des élaborations successives, Freud maintient que le refoulement, d’un point de vue théorique, est une énigme. C’est la névrose obsessionnelle, et non l’hystérie, qui lui sert de guide en la matière.

Pourquoi Taine plaisait-il tant à Freud?
Jean-Paul Abribat.
On peut certes montrer la proximité de certaines thèses de Taine dans De l’intelligence, et de Freud dans l’Esquisse d’une psychologie scientifique. Mais surtout : une tension, une antinomie, entre un moi “système de perception-conscience” et un moi “polypier d’images”, le lieu même des illusions, des méconnaissances, et de l’illumination hallucinée.

Johan Friedrich Herbart
Dossier préparé par Xavier Leconte.
Si le terme de “Refoulement” n’a pour Freud de sens que référé à la méthode d’investigation psychanalytique, et qu’ainsi, on peut soutenir que Freud a “inventé” ce mécanisme psychique du refoulement, on sait aussi que ce terme était auparavant employé en psychologie. C’est Herbart, le premier, qui s’en est servi, en 1824 . Herbart entendait fonder sa psychologie sur l’expérience, la métaphysique et les mathématiques. Dans ce cadre-là, il employa le premier le terme de Verdrängung pour qualifier l’action des représentation entre elles.

L’analyse des rêves
Carl Gustav Jung.
Réputé introduire en français la traduction de “refoulement” pour le terme psychanalytique Verdrängung, ce texte montre surtout comment, dans un vocabulaire jungien, Jung fait une “lecture” de l’Interprétation des rêves, freudienne.

L'unebévue n°10 : Critique de la psychanayse et de ses détracteurs

L'unebévue 1997 / ISBN n°2908855305 / 140.00 FF.
Supplément pour les abonnés :
Une difficulté de la psychanalyse. S. Freud.

La vie : l'expérience et la science
Michel Foucault.
Il y a une ligne de partage qui sépare une philosophie de l'expérience, du sens, du sujet, dans une filiation qui est celle de Sartre et de Merleau-Ponty, et celle du savoir, de la nationalité, et du concept, qui est celle de Cavaillès, de Bachelard, de Koyré, et de Canguilhem. A cette philosophie du sens, du sujet et du vécu, Canguilhem a opposé une philosophie de l'erreur, du concept du vivant. Ôtez Canguilhem et vous manquez tout un aspect du travail théorique fait chez les psychanalystes et en particulier les lacaniens.

Vérité, mensonge...
Fernando Pessoa.

Un siècle de psychanalyse : Critique rétrospective et perspectives
Adolf Grünbaum.
Selon Freud, le refoulement est la pierre angulaire sur laquelle repose la psychanalyse. Cette thèse, selon Adolf Grünbaum, n'est pas étayée, le refoulement n'est pas prouvé comme causalement nécessaire, or c'est capital pour pouvoir soutenir que les névroses et les psychoses sont produites par des motifs sexuels inconscients, que les rêves sont formés par les désirs infantiles latents interdits, et que les actes manqués sont générés par des motifs cachés de déplaisir.

Probablement
Petit problème amusant.

Faut-il naturaliser l'inconscient
Joëlle Proust.
Naturaliser l'usage d?un concept consiste à montrer comment ce concept peut être analysé en utilisant le langage causal qui est accepté dans les sciences de la nature. Si la psychanalyse est une science, elle doit s'exposer à la réfutation. Certains aspects des hypothèses causales de Freud se trouvent effectivement réfutées par le progrès du savoir.

Les fondements fictionnels du freudisme ou le secret de Socrate le Silène.
Jean-Claude Dumoncel.
"Fondements de la psychanalyse" : pour A. Grünbaum, il s'agit de fondements épistémologiques, pour Lacan, il s'agit essentiellement de fondements structuraux. On ne peut alors s'en tenir à la logique inductiviste pour questionner les fondements. Et le passage de Freud à Lacan modifie les questions : si, pour Freud, les pulsions sont des êtres mythiques, pour Lacan, ce sont des fictions.

Adolf Grünbaum lecteur de Freud : d'une juste critique en porte-à-faux
Jean Allouch.
En confrontant deux lectures de Freud largement indépendantes l'une de l'autre, celle de Jacques Lacan et celle d'Adolf Grünbaum, voici que l'on tombe sur un fait étrange et inattendu : alors même qu'ils n'interrogeaient guère le même Freud, alors même qu'ils le faisaient à partir de position fort différentes, Lacan et Grünbaum en reçurent la même réponse. Elle se formule ainsi : il existe un infranchissable fossé entre sens et cause.

Y a-t-il des paradigmes en psychanalyse?
Renato Mezan.
Les différentes manières générales de penser et d?exercer la psychanalyse ne peuvent être dénommées à proprement parler "paradigmes". Une épistémologie régionale de la psychanalyse qui rende justice à la pluralité observée dans ce domaine est à envisager, cette pluralité n'ayant pas d'équivalent ni dans les sciences naturelles, ni dans l'histoire de la philosophie.

Des tresses étonnament monotones et lasses
Eric Legroux.
Quelques considérations topologiques sur la séance du 18 janvier 1977 du séminaire L'insu que sait de l'Unebévue s'aile à mourre, quelques interrogations sur la "topologie de Lacan".

Le poinçonneur de p'tit a
Jean-Louis Sous.
Faire cas de cette formalisation du poinçon dans l'écriture lacanienne du fantasme suppose une méthode casuelle qui décline les variantes d'une telle écriture, les versions de sa composition et de sa décomposition, les limites de son usage, les bornes de son emploi. Selon le glissement auquel nous invite Lacan, c'est une méthode sérieuse dans le sens où elle touche au sériel : façon de faire entendre les variations autour de ce mathème, si tant est qu'on puisse lui donner ce titre...

L'unebévue n°07 : Le défaut d’unitude. Analycité de la psychanalyse

L'unebévue 1996 / 140.00 FF.
Supplément réservé aux abonnés :
La dénégation
Die Verneinung. S. Freud

Pi erre deux
Parler rigoureusement des à peu près c’est le courage mathématique, nous fait remarquer G. Th. Guilbaud.

Géométrie du processus analytique. Freud, Wittgenstein, Lacan
Jean-Claude Dumoncel.
Les deux concepts du second Wittgenstein, géométrie du processus, et processus d’analyse, sont ici mis en oeuvre. Depuis Here comes everybody, on s’embarque, avec Sindbad le X, voyageur à variable libre, pour Isola L. Plurabella. Navigation qui montre qu’il y a une géométrie du processus analytique chez Lacan.

Wunsch! Le symptôme comme noeud de signes
Mayette Viltard.
Pendant six ans Freud a suivi l’enseignement de Brentano, et ce fut une rencontre. Les Analytiques d’Aristote forment une trame logique qui enserre dans les rêts du syllogisme ce qu’il y a d’analytique dans la psychanalyse, syllogisme dont Freud avec son scientisme, et ensuite Lacan avec la topologie des noeuds, tenteront de dégager la méthode analytique.

Les débuts “scientifiques” de Freud selon Siegfried Bernfeld.
Au mépris des informations qu’il possédait en 1949, Bernfeld cherche à montrer combien il est impensable que Freud ait pu être influencé par Brentano.

Trois analyses
Jean Allouch.
Le rapport entre lettre et place échappe partiellement à l’analytique du translittérable et exige, pour être traité, la mise en jeu d’une autre analytique, celle, topologique, de l’enchaînement. L’imaginaire, comme analytique du non-analysable, est le registre de validité de l’individu. Son instance tient dans la formule selon laquelle pas tout de ce qui constitue le sujet ne relève de l’analytique du translittérable.

Remarques sur la tresse borroméenne de quatre noeuds de trèfle présentée par Lacan dans le séminaire Le sinthome
Odile Millot-Arrrighi.

Cette tresse est ce avec quoi Lacan étaye sa réflexion sur les rapports de la paranoia et du sinthome.

k tresses de t trèfles
Éric Legroux.
Variations sur quelques dessins pris dans le séminaire Le sinthome.

Écrire sous la contrainte. Ajar, Pérec, Wolfson
Dominique de Liège.
Cinoc est “tueur de mots” chez Larousse. Wolfson est ôteur de lettres. Et Ajar : “Je finirai mon livre parce que les blancs entre les mots me laissent une chance”.

Du corps comme lieu du signe
Christiane Dorner.
Saint Augustin, Aristote, Bacon, manifestent un intérêt pour les modifications intervenant sur le corps de la mère, trahi dans sa maternité par l’existence du lait. Poser une réflexion sur le langage en l’articulant avec des signes physiques sur le corps de la mère marque le départ d’une réflexion sur la matérialité du signe. Les variations de Lacan sur la trace, imago, pas de trace de l’homme dans la femme, trou et serrage d’un noeud, sont des tentatives pour reprendre cette question.

Institutionnalisation de l’exception et du manque symbolique
Charles-Henry Pradelles de la Tour.
Dans les contes, les choses et les êtres vont souvent par trois. Le troisième élément ne se compare pas aux deux premiers en termes de classe, mais de limite et de différence radicale. L’ordre social est non pas unifié, mais divisé, entre la loi fondée sur une exception, et celle instaurée sur un non-rapport.

Attention! Déviation
George-Henri Melenotte.
Localiser géographiquement la pratique et la transmission de la psychanalyse repose sur l’évacuation du mathème, ce qui désarrime la psychanalyse de son exigence de rationnalité. Elle devient l’affaire de la Personne du Clinicien, et sa transmission passe de l’école à l’Université.

Présentation du texte de Freud de 1925
La dénégation
Die Verneinung

Titre original du manuscrit
Die Verneinung und Verleugnung

L'unebévue n°06 : Totem et tabou, un produit névrotique

L'unebévue 1995 / 140.00 FF.
Supplément réservé aux abonnés :
Sur quelques concordances entre la vie psychiques des sauvages et des névrosés.
Über Einige Übereinstimmungen im Seelenleben der Wilden und der Neurotiker. S. Freud

Freud, Jung, et le cadavre des marais
Philippe Koeppel. George-Henri Melenotte.
Le lien entre Freud et Jung est celui d’un transfert psychotique. Jung a produit un certain nombre de textes qui sont pour lui autant de points où il théorise ce transfert. Une lecture et une traduction d’une de ses lettres au Dr. Loy permet d’avancer quelques points sur la place que, dans le transfert, il accorde à L’Einfühlung, “la faculté de pénétration intuitive” que le patient a du médecin.

Le complexe d’Oedipe, une affaire de vraisemblance
Miguel Sosa.
Le complexe d’Oedipe, tel qu’il surgit de la plume de Freud en 1910, n’était pas lié à telle ou telle élaboration clinique. Véritable Shibbolet de la psychanalyse, il apparaît plutôt comme annonciateur d’une nouvelle époque du mouvement psychanalytique et l’étude même de son surgissement conduit plutôt à mettre en question les élaborations doctrinales auxquelles il a donné lieu et à contester les façons dont la psychanalyse lui fait représenter le rôle du père.

“Devenir de la couleur des morts”. Propos sur le corps du symbolique
Mayette Viltard.
Comment le signifiant peut-il tomber au signe? Cette question organise le texte de Lacan Radiophonie. Le père mort est un corps, et la scène mythique de Totem et tabou, où les frères mangent le père qu’il viennent de tuer est l’enracinement même de la répétition. Le langage comme “corps des dieux” dans les textes majeurs hindouistes, ou bien encore la nécrophagie prescrite par les Anciens Stoïciens comme honneur funéraire, permettent d’éclairer les rapports du signe et du signifiant.

Luca Signorelli. Platen
Ballade de 1834 sur le thème de l’enfant mort. Tel Le Tintoret peignant sa fille morte, Luca Signorelli apprend la mort de son fils et continue de peindre jusqu’à l’aube le Jugement dernier dans la cathédrale d’Orvieto.

Totem et tabou en butée logique
Catherine Webern.
Lacan interroge, avec la logique de l’écrit, le “toutes les femmes” de l’énoncé de l’impossible auquel il réduit Totem et tabou : “le père primordial jouissait de toutes les femmes”. Ceci lui permet de poser le "Il existe un" de l’exception côté homme, et le "pas-tout", côté femme. Parce qu’il est un témoignage d’obsessionnel, un produit névrotique, Totem et tabou témoigne de la vérité, à savoir que le rapport sexuel s’avère impossible à formuler dans le discours.

Le temps des bréviaires
Guy Le Gaufey.
A propos du livre de Gisèle Chaboudez, Le concept du phallus dans ses articulations lacaniennes, quelques notes sur cette méthode Assimil qui permet tant de happy ends psychanalytiques.

“Les textes muets peuvent parler, d’Ilse Grubrich Simitis”
Mark Solms.
Paru en 1993, ce livre trace un panorama complet de l’état actuel des manuscrits de Freud. Responsable de l’édition de Freud au Fischer-Verlag, Ilse Grubrich-Simitis a été la plaque tournante des événements qu’elle décrit et s’appuie sur sa correspondance personnelle avec James Strachey et Anna Freud. Elle cite, entre autres, de nombreux extraits du journal que Freud avait tenu toute sa vie durant et qu’on croyai détruit par Freud lui-même avant son départ de Vienne, alors qu’une grande quantité se trouve dans la Collection Freud à Washington.

Avant-propos à l’édition hébraïque de Totem et tabou.
Sigmund Freud.

Rédigé en décembre 1930, ce texte en appelle à une science exempte de préjugés pour formuler en termes clairs une réponse à cette question “qu’y a-t-il encore de juif en toi si tu as abandonné tout ce qui est commun à ceux de ton peuple ?”.

Nécrologie d’une “science juive”. Pour saluer Mal d’Archive de Jacques Derrida
Jean Allouch.
Comment Yerushalmi en est-il venu à faire valoir la psychanalyse comme une science juive ? Jacques Derrida est le premier, non pas à penser et à répondre que non, la psychanalyse n’est pas une science juive, mais le premier à en donner la raison. On discutera ici le rapport de cette question avec celle de la fin de l’analyse, en étudiant cette “existence des juifs” telle que Lacan la situe dans la Proposition d’octobre 1967 sur le psychanalyste de l’école.

Présentation des deux essais de Freud de 1912
Sur quelques concordances entre la vie psychique des sauvages et celle des névrosés
Über einige übereinstimmungen im Seelenleben der Wilden und der Neurotiker

Communication de J. Honegger à Nuremberg
Au IIème Congrès psychanalytique de Nuremberg, les 30 et 31 mars 1910, J. Honegger, élève de Jung, présenta un travail sur La formation paranoïde de délire et cette communication fut pour Freud un moment mémorable, dit-il, qui l’engagea sur la voie d’une concordance entre la vie psychique des névrosés et celle des sauvages.

Chronologie de la rédaction et de la publication des quatre essais de Totem et tabou
Cette chronologie est établie à partir des correspondances de Freud avec Ferenczi, Jung, Abraham et Jones. Elle permet de montrer le changement essentiel que connaît Freud, qui écrit les trois premiers essais péniblement voire avec dégoût, et qui, pour le quatrième, déborde de vigueur et d’enthousiasme.

Point de vue sur Totem et tabou
Fritz Wittels.
La première édition du livre de Fritz Wittels sur Freud, Freud, l’homme, la doctrine, l’école parut à l’automne 1924. Cette biographie, traduite en français en 1925 chez Félix Alcan, n’a jamais eu les faveurs du mouvement psychanalytique. Lorsqu’elle parut, Freud (que Wittels appelle Sigismond de la première à la dernière page) écrivit à Jones : “Ai-je besoin de dire que j’ai pris grand plaisir à lire votre critique du mauvais, inexact et fallacieux pamphlet biographique de Wittels”...

L'unebévue n°05 : Parler aux murs

L'unebévue 1994 / 140.00 FF.
Supplément abonnés : Pour introduire le narcissisme. S. Freud.
Traduction : E. Legroux, C. Toutin-Thélier, M. Viltard.
Supplément en librairie : G. Frege/B. Russell – Correspondance. Traduction, présentation et notes de C. Webern.

Parler aux murs. Remarques sur la matérialité du signe
Mayette Viltard.
En prenant la logique stoïcienne comme appareil essentiel de son discours, Lacan a introduit le symptôme dans sa théorie de la nomination.

La philosophie du signe chez les anciens Stoïciens. Gérard Verbeke
Pour les Stoïciens, la notion de signe n’est pas un concept secondaire et accessoire, elle est au centre de leur logique, en rapport étroit avec leur façon de penser, leur manière d’interpréter le monde et la conduite humaine.

Membranes, drapés, et bouteille de Klein. Anne-Marie Ringenbach
Membranes décrites par Bichat, médecin, drapés marocains passionnant Clérambault, psychiatre, bouteille de Klein proposée par Lacan pour traiter des problèmes cruciaux de la psychanalyse, trois façons différentes d’aborder une surface réelle pour questionner la structure des rapports du corps et du signifiant.

Plier, déplier, replier. Jean-Paul Abribat
Une lecture du texte de Gilles Deleuze, Le pli, Leibniz et le baroque, permet de donner à l’enveloppe formelle du symptôme ses références. La matière est une texture, son unité de base est le pli, et non l’atome.

Areu. Jean Allouch
Un mort dont le sujet est en deuil appartient à un monde qui n’existerait pas. Les Nouvelles de Kenzaburo Oé, Dites-nous comment survivre à notre folie, nous avertissent : ce que la mort rend de définitivement non accompli chez le mort intervient comme déterminant ce que sera le deuil chez l’endeuillé.

La civilisation des Cours comme art de la conversation. Carlo Ossola
Tout au long du XVIè siècle, les traités courtisans visent à établir des manières, c’est-à-dire à manier les liaisons entre le vouloir du prince et les coutumes, à disposer des modes de communication entre le Palais et la Ville.

Le fondement ? C’est la raison ! Essai sur le logos lacanien. Jean-Claude Dumoncel
Le déroulement de la chaîne symbolique se trouve pris d’abord, chez Lacan, dans la dualité du signifiant et du signifié, dualité qui va se répercuter sur la raison même. On parlera en conséquence d’une raison signifiante et d’une raison signifiée, d’où le problème ultime de leur articulation l’une sur l’autre.

Lacan, tel que vous ne l’avez encore jamais lu. Jean Allouch
Encore un dictionnaire !

Présentation du texte de Freud de 1914
Pour introduire le narcissisme
Zur Einführung des Narzißmus.

Une contribution au narcissisme. Otto Rank (1911)
Ce texte, paru dans le Jahrbuch de 1911, s’appuie sur les Trois essais sur la théorie du sexuel et tente de développer, pour les femmes, ce que Freud, dans une note de 1910, faisait remarquer comme narzißmus chez les invertis masculins.

Coraggio Casimiro !
En réponse au grand texte de Jung >i, Freud est contraint d’écrire, à son corps défendant Pour introduire le narcissisme. Il met publiquement sa théorie de la libido à l’épreuve de la psychose, et accompagne cette publication de ce qu’il appelle “une bombe”, à savoir, le texte qu’il publie simultanément : Contribution à l’histoire du mouvement analytique.

L'unebévue n°02 : L'élangue

L'unebévue 1993 / 140.00 FF.
Supplément abonnés :
Remarques psychanalytiques sur un cas de paranoïa (Dementia paranoides) décrit autobiographiquement.
Texte bilingue, établi à partir de l'édition originale.
Traduction : Éric Legroux, Christine Toutin-Thélier, Mayette Viltard.

Ce à quoi l'unebévue obvie.
Jean Allouch.
La radicale mise à l'écart de l'inconscient en tant qu'instance permet que soit abordé, dans l'analyse, le problème de la conscience.

L'émergence dans la conscience
Christine Toutin-Thélier.
Le préconscient : est-ce une instance qui s'interpose entre conscience et inconscient, ou qui les unifie ?

Lue et vue
George-Henri Melenotte.
L'équivoque ne porte pas sur la polysémie signifiante et c'est par un glissement de la tonalité dans la modulation qu'à l'exemple des poètes chinois, l'interprétation analytique opère.

Lignes de fractures
Jacques Hassoun.
Fracture de la langue, la traduction produit un texte qui à la longue, tel un cal vicieux, va à l'encontre de sa fonction de transmission.

Bé-voir ?
Guy Le Gaufey.
De bégueule, bouche bée, à bayer… aux corneilles, l'unebévue fait quelques vagues en retombant dans la langue française.

Scilicet
Mayette Viltard.
Quel passage d'écrit à écrit est mis en jeu dans la parole imposée ? Schreber met en cause le Créateur du Verbe et localise d'un mot le savoir des langues : sciliciet

Passage à fleur de lettre
Thierry Beaujin.
Tel Joyce se faisant l'âme damnée de l'homophonie, Lacan en produisant l'unebévue passe à travers la lettre de Freud, comme on dit à travers champs

Le naïf : un savoir sans sujet ?
Xavier Leconte.
Pas de première personne pour faire le naïf, seulement une deuxième et une troisième. Le mot du naïf vient poser l'opération de subjectivation du savoir et le statut de la feinte.

La Bedeutung du Phallus comme pléonasme. Du réel du nombre
Catherine Webern
La distinction frégéenne de Sinn et Bedeutung permet à Lacan de situer ce qu'il en est du semblant du phallus.

Présentation du texte de Freud de 1911 : Remarques psychanalytiques sur un cas de paranoïa (Dementia paranoides) décrit autobiographiquement
Schreber et le débat analytique - Sommaire des revues
Rapport d'O. Rank sur l'intervention de Freud à Weimar
Signification de la suite des voyelles. S. Freud
Le débat Freud-Jung sur le symbole
Jung parle de Schreber
Remarques psychanalytiques sur un cas de paranoïa (Dementia paranoides) décrit autobiographiquement. (1911).
Psychoanalytische Bemerkungen über einen autobiographisch beschriebenen Fall von Paranoia (Dementia paranoides). S. Freud.

L'unebévue n°03 : L’artifice psychanalytique

L'unebévue 1993 / 140.00 FF.
Supplément au N° 3, gratuit, réservé aux abonnés :
Personnages psychopathiques sur la scène. S. Freud. 1905-06.
Réminiscences du professeur Sigmund Freud. Max Graf. 1942.
Supplément au N°3 , en librairie :
Mémoires d'un homme invisible. Herbert Graf

De la "sensibilité artistique du professeur Freud"
François Dachet.
Entre Freud et Max Graf, lequel ne se laisse pas réduire au "père du petit Hans", une ébauche de la version freudienne du père est en jeu, à travers des textes qui parviennent aujourd'hui jusqu'à nous, textes de Freud, mais aussi de Max Graf et d'Herbert Graf.

Artaud le Mômo sur la scène
Françoise Le Chevallier.
Être à la fois au lieu du public, regardant sur la scène comme spectateur, metteur en scène et auteur, tout en étant son propre animateur devenant à soi-même son propre créateur, telle fut l'entreprise géniale d'Artaud.

Publier l'hystérie
Michèle Duffau.
Freud a introduit "la personne du médecin" dans le tableau de l'hystérie, geste décisif aux nombreuses conséquences, dont celle de produire la séparation de Freud et de Breuer. Cette séparation est celle du psychanalyste et du médecin, et elle est remise en chantier, pour chaque analyste, dans chaque cure.

Nécrologie de Breuer
Sigmund Freud.
En 1925, Freud réaffirme que Breuer est le créateur de la méthode cathartique, et que le "premier cas" de la psychanalyse, Anna 0., est antérieur aux travaux de Charcot et de Janet.

Autobiographie
Josef Breuer.
Ce texte de Breuer fut publié à Vienne en 1925, l'année-même de sa mort.

Du ravissement
Mayette Viltard.

Oh les beaux jours du freudo-lacanisme
Jean Allouch.
Un "dictionnaire" de psychanalyse est inconvenant au champ freudien. La recette de celui qui vient de paraître en est simple : élire une définition d'allure lacanienne et faire entrer Freud, par quelques mots imprécis et équivoques, dans la définition.

La bouteille de Klein, la passe et les publics de la psychanalyse
Anne-Marie Ringenbach.
L'«horrible» opération proposée par Lacan sur la bouteille de Klein établit le statut de l'artifice dans la psychanalyse.

Présentation du texte de Freud de 1905 :
Personnages psychopathiques sur la scène
Psychopathische Personen auf der Bühne

A partir de la phobie d'un enfant : chronologie.
Quelques points pour ordonner dates et lieux où la phobie d'Herbert Graf va porter son alarme. Conversations chez les Graf, chez Freud, réunions du mercredi, conférences, correspondances, publications ...

Bibliographie des ouvrages de Max Graf.
Un aperçu des principaux ouvrages de Max Graf.

A la librairie Heller.
En se faisant éditer par Hugo Heller, Freud rejoignait, dans le catalogue des éditions Heller, les artistes d'avant-garde et les militants politiques du courant austro-marxiste qui formaient le fonds de cette "librairie-galerie d'art-entreprise de spectacles".

L'unebévue n°04 : Une discipline du nom

L'unebévue 1993 / 140.00 FF.
Suppléments abonnés : Dostoïevski et la mise à mort du père. S. Freud. 1928.
De l’importance du père dans le destin de l’individu. C. G. Jung. 1909.
Supplément librairie : Ecrits inspirés et langue fondamentale, Dossier préparé par Béatrice Hérouard.

Symbole, symbole et symbole
Guy Le Gaufey.
Les positions de Jung, Jones et Lacan correspondent respectivement à trois grandes étapes historiques soutenues en Europe depuis le XV° siècle quant à la nature du symbole : “signature des choses” pour Jung, problématique de la représentation liée à l’ordre classique pour Jones et Freud, primauté accordée au signifiant pour Lacan.

MWT, Mutter
Christine Toutin-Thélier.
Que Freud ait lu “un vautour” là où Léonard de Vinci avait écrit “un milan” a fait couler beaucoup d’encre dans la littérature analytique. Pourtant, si l’on suit Freud dans son passage par les hiéroglyphes égyptiens, il s’avère que le vautour n’est ni un lapsus, ni une erreur de traduction, mais une translittération. Une lecture de certains passages de la Bible de Philippson rend alors possible d’interroger en quoi cette translittération met en jeu le nom propre.

Un vrai symbolisme ?
George Henri Melenotte.
Il y a, chez Freud, une difficulté à répondre aux errances du symbolisme jungien. Jones produit alors, en 1916, une théorie du “true symbolism”. En reprenant ce débat, Lacan en dégage le point d’impasse, celui de laisser le symbolisme “tout entier confronté au réel”.

La prééminence du semblant
Catherine Webern.
Lacan étaye la prééminence du semblant avec la théorie frégéenne, selon laquelle la conception du nom propre doit être liée à l’analyse de la proposition avec la fonction. Ceci entraîne la dénotation de l’homme et la dénotation de la femme avec une nouvelle approche de la Bedeutung des Phallus, de la signification du phallus.

L’implantation du signifiant dans le corps Albert Fontaine.
Albert Fontaine poursuit sa lecture de Wolfson, l’étudiant en langue schizophrénique, à la lumière de Foucault, Deleuze, Lacan et Jakobson. Wolfson permet ainsi d’avancer quelques points précis sur le problème de l’implantation du signifiant dans le corps, sur le fait qu’il ne peut y avoir d’écrit qu’à partir d’une certaine consistance du corps.

Du bon usage du diable...
Cécile Imbert.
Freud, dans Une névrose démoniaque au XVII° siècle questionne le choix du peintre Christoph Haitzmann de signer, par deux fois, un pacte avec le diable. “La mélancolie est le bain du diable” écrivit Saint Jérôme. Le tableau tracé par C. Imbert met en scène les places respectives de la femme et de la mélancolie à cette époque ; fallait-il brûler les sorcières, ou bien les soigner ?

Antiphysie, l’Althusser de Clément Rosset
Françoise Jandrot-Louka.
Dans son livre à propos d’Althusser, Clément Rosset reproduit le non-lieu de 1981 en faisant valoir la folie d’Althusser, alors qu’il nous désigne, avec Rabelais et la référence à Antiphysie, une autre figure : celle de l’imposture.

Présentation du texte de Freud de 1928
Dostoïevski et la mise à mort du père
Présentation du texte de C. G. Jung de1909
De l’importance du père dans le destin de l’individu.

Un texte qui aurait été écrit...par un autre
Lettres de Freud à Theodor Reik, à Stefan Zweig.
Freud réfute l’épilepsie de Dostoïevski. Ses attaques de mort sont le symptôme d’une hystérie masculine. Tu as voulu tuer le père, maintenant, tu es le père ...mort.

Dostoïevski, l’Ethiker.
Le débat Freud-Reik sur l’éthique, à propos de Dostoïevski, amène Freud à déclarer que l’appréciation de l’éthique doit être sociale et objective sur le plan scientifique.

Dostoïevski, le pécheur.
Pécheur ou criminel ? A la concupiscence luisant aux yeux du vieux Karamazov, quand il interroge son fils , “Dieu est mort, alors tout est permis ?”, Freud répond par un mythe qu’il propose à l’homme moderne : si Dieu est mort, le désir n’en sera que plus menaçant et donc l’interdiction plus nécessaire et plus dure. Dieu est mort, plus rien n’est permis.

Dostoïevski, le converti.
Une expérience religieuse. S. Freud.
En publiant en 1927 Une expérience religieuse, Freud éclaire pour une part la conversion de Dostoïevski à la fin de sa vie, soumis au tsar et aux autorités.

De l’importance du père dans le destin de l’individu.
Les écrits psychanalytiques de Jung, datant d’avant sa rupture avec Freud révèlent, tout autant que son échange épistolaire avec Freud, l’importance de sa position dans le mouvement analytique. Peu traduits, ces textes sont d’autant plus inaccessibles que Jung lui-même les a par la suite largement remaniés.

L'unebévue n°01: Freud ou la raison depuis Lacan

L'unebévue 1992 / 140.00 FF.
Supplément réservé aux abonnés :
L'inconscient
Das Unbewußte
Texte bilingue, établi à partir de l'édition originale.
Traduction : Éric Legroux, Christine Toutin-Thélier, Mayette Viltard.

Il y a de l'Unebévue
Mayette Viltard.
"Traduire" das Unbewußste de Freud par l'une-bévue est une curieuse opération trans-langue. La création d'un néologisme sur un concept central de la psychanalyse porte à conséquence. Réussira-t-telle à prendre en compte le réel du symptôme ?

Qui est freudien ?
Ernst Federn.
Les enseignements de Freud sont très étroitement liés à la langue allemande. L'émigration et l'anéantissement de la psychanalyse en Allemagne par Hitler ont eu une importance décisive pour le développement de la psychanalyse dans le monde. La psychanalyse est devenue internationale et dévie toujours plus, aujourd'hui, de ce que Freud enseignait.

Note sur raison et cause en psychanalyse
Jean Allouch.
L'objet est ce qui reste de la chose une fois qu'on l'a dépouillée de la question des vérités éternelles dont elle était porteuse. Mais voilà justement, s'agissant de la folie, ce qui, de par la grâce de Freud, s'avère n'être pas possible. De là le malaise de la psychanalyse à l'endroit de la science.

Aux bords effacés du texte freudien
George-Henri Melenotte.
Dans sa découverte de l'inconscient, Freud n'a pas seulement fourni les termes qui ont permis d'en esquisser la théorie. Son écriture elle-même est traversée par les éléments structuraux qu'elle tente de cerner.

Hiatus. Le meurtre de la métaphore
Guy Le Gaufey.
Qui a les moyens d'effectuer la double élision que nécessite la métaphore, double élision du désir de la mère dans la métaphore paternelle, celui-là aura accès à la production du symbole et par là même à cette «signification dernière de l'idée de père» que Lacan lisait dans le meurtre du père.

L'expérience paranoïaque du transfert
Mayette Viltard
Considérer qu'ils étaient quatre, Freud, Fließ, Breuer, plus une, Emma Eckstein, invite à discerner ce qui ferait point de structure dans le lien du psychanalyste au public.

La pomme acide du transfert de pensée
Christine Toutin-Thélier
Discussion : Ernst Federn.
Qu'est-ce qui a pu décider Freud, en 1925, à lancer cette bombe si longtemps retenue ? Prenons au sérieux ce qu'il en dit : c'est l'expérience faite et réussie du transfert de pensée avec sa fille Anna.

Présentation du texte de 1915, de Freud Das Unbewußte.